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Page:Hériot - Une âme à la mer, 1929.pdf/204

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une âme à la mer

Le but unique est de bien faire, de faire mieux encore le lendemain.

C’est la bataille qui commence, mais la jolie mélée, au milieu de l’ouragan, dans la brise, parmi le tumulte des flots. Sans phrases, sans marchandages, on lutte loyalement, on se donne avec toute sa sincérité. L’on perd ou l’on gagne, le sourire couché sur le visage, car rien n’est venu de terre, diminuer votre volonté d’arriver premier quand même.

Et votre désir s’est communiqué à votre bateau. Il a cessé d’être ce qu’il paraissait : superbe, mais en bois, obéissant, car privé de compréhension.

À votre contact intelligent et aimant, il vibre, il se déplace, il s’élance !… Je le sens vivre sous mes pieds ! et, s’il avait un cœur, il battrait comme le mien !

Sous les manœuvres, docile, il devine, et prenant notre volonté toute droite, il va plus rapide, comme enivré de sa propre course, il dépasse les autres bateaux, comme s’il comprenait ce qu’il fait.

La tête saturée de manœuvres, les bras las et les mains vous faisant mal, le cœur joyeux, l’âme envolée, le corps épuisé, vous allez superbement volontaire, et c’est le plus beau moment de tout !

C’est la récompense de vos efforts qui vous arrive dans les rafales du large, le couronnement de votre ténacité qui vous tombe d’un beau nuage ; vous vivez la vie intense de la mer.