Aller au contenu

Page:Hériot - Une âme à la mer, 1929.pdf/219

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
213
ailée s’en va

rant ; après un déjeuner maritime et courtois, il me confia certains renseignements précieux sur mon bateau et qui devaient dans l’avenir m’être très utiles ; il m’avoua aussi comme un grand secret le plus grand défaut du bateau…

Elle est trop vite, disait-il en anglais, je me souviens de son accent en appuyant bien sur chaque syllabe, elle va toujours trop vite.

Et combien il devait avoir raison.

Il pleura lorsqu’il quitta son bateau qui devenait le mien, mais il me dit en partant : « Je suis quand même heureux de le laisser entre de telles mains ». Et je le verrai toujours disparaître en taxi au tournant de la rue Bassins Docks en se penchant encore toujours pour apercevoir la coque délicate posée sur l’eau. La plus belle coque du monde.

Quel travail de la rendre aussi belle qu’elle devait être.

La coque fut mise complètement à nu, un nouvel enduit la rendit parfaite et douce ; un manteau bleu foncé bien brillant « Navy blue » lui donna un éclat incomparable, sa flottaison blanche accentua l’élégance de ses lignes.

Je faisais enlever l’aigle Impérial Allemand, et le remplaçais par deux ailes légères et ouvertes, symbole de mes envolées !

Je supprimai tout l’or… Les mâts furent grattés, vernis et remis à neuf, ils devaient faire l’admiration des connaisseurs.