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ailée s’en va

Le clocher de Roquebrune s’agrippe à la montagne d’aigle : j’entends deux sons : celui de la mer qui vient murmurer aux rochers du cloître.

L’autre celui des cloches qui s’égrène et descend de la montagne vers la mer. Mon cœur reste emprisonné par le souffle aérien qui se mêle au rythme infini de la respiration lente de la mer calmée.

Les grands pins s’agitent, se courbent sous les rafales ; ils sentent bon et racontent, pour la mer, un grand secret sans fin.

Jamais je n’ai vu la mer plus belle qu’aujourd’hui. Immuablement bleue, rieuse, douce et silencieuse, je l’admire et, comme je reste au rivage, je lui en veux et la jalousie au cœur, je la déteste tant je l’aime.

Je fuis les humains, la solitude est si douce lorsque l’on peut échapper aux regards et rêver les yeux à horizon. Je ne puis aimer et comprendre que la rumeur des vagues et le chuchotement des embruns ; je me refuse à écouter la conversation de ces désœuvrés.

Je m’arrête dans le port, j’erre… J’ouvre tous grands les yeux mais je ne vois rien, si, un paysage charmant avec ses contours précis, mais il manque la présence de l’âme.