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une âme à la mer

Lorsque je les ferme, je vois une goëlette qui repose dans la baie, si harmonieuse que l’on dirait un grand cygne noir endormi pour la nuit.

Alors tous les souvenirs m’assaillent, les parfums des temps passés me remontent à l’âme et chantent dans mon cœur les airs anciens et préférés.


« Ailée » n’est pas là, cependant je la vois.

Portant haut ses pavillons, elle les envoie fleurir jusque dans les montagnes.


« Ailée » n’est pas dans le port, cependant je puis voir sa haute mâture rouler doucement en balayant le sommet des montagnes neigeuses !

Les jours passent, mais les heures s’écoulent si lentement ; la mer vient s’écraser sur les roches dans une lente respiration monotone sans brise aucune dans le silence pesant.

Cette nuit, je la passerai à l’écouter, lointaine.

Mon cœur grand ouvert est vide.

Il semble à mon âme qu’elle ne saurait plus jamais désirer rien.

Dans cette torpeur ma pensée veille ; hallucination douce seulement aux choses qui furent et non à celles qui seront.