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à bord du finlandia

Le grand salon où l’âme du navire se réfugiait parfois, dans la tête égyptienne de marbre noir — énigmatique — de pensées fortes et de sérénité.

Ici la musique régnait, le grand piano sombre et la harpe claire où les divans, verts et profonds retenaient les têtes penchées de ceux qui écoutaient, tout baignés d’enchantement.

Ma chambre où je pensais à mon navire à la tombée du jour.

L’âme extasiée de beauté, je rayonnais doucement et je te bénissais pour le bonheur d’éloignement que tu me donnais.

Mon navire, je t’ai eu par énergie pure, volonté et amour ; j’ai peut-être forcé la destinée, car j’ai su par toi surmonter et supporter mille tourments.

Mais quelle récompense de te commander et de te voir par nuit admirable, naviguer sur une mer infinie !

Il ne faut rien forcer. Il ne faut rien retenir. Il faut vivre chaque jour avec la force de la journée. Ce que l’on attire trop durement se casse, ce que l’on retient trop serré s’échappe. Je te perds d’avoir trop voulu t’avoir.

Va ! navigue sur toutes les mers, continue ton ensorcellement.

Moi, je m’arrête de chagrin et de fatigue. Mes yeux élargis contiennent trop d’horizons et las ils se ferment appesantis d’infini…