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une âme à la mer

MON VOILIER À UNE ÂME !


Je connais son langage, sa manière de protester, sa façon de demander ! Je comprends tout ce qu’il dit et je sens lorsqu’il est pleinement satisfait de la façon dont on le fait naviguer.

Il m’est devenu inutile de voir ! dans ma cabine, la nuit, seulement par le murmure, le bruissement, le clapotis le long de la coque, je sais s’il fait 2, 3, 4, 6 nœuds.

Dans l’immobilité morte, sans brise ni mer, je l’écoute vivre sans pouvoir y parvenir. Que de protestations, de grincements, de lamentations lorsque, accalminé dans une houle énorme, il s’effondre inutilement dans les creux monstrueux pour en sortir et recommencer.

Dans la tempête il est déchaîné, tout craque jusqu’aux boiseries, tout crie de désespoir, hurle de douleur et fatigue.

Je reconnais lorsqu’il fait 7 nœuds au près, léger, souple, vivant et joyeux il va serrant le vent, s’amusant de faire son travail !

Je sais, lorsque les ridoirs m’envoient un concert