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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

car, suivant ce raisonnement, ce n’est pas le Nil qui sépare l’Asie de la Libye, puisqu’il se brise à la pointe du Delta, et le renferme entre ses bras, de façon que cette contrée se trouve entre l’Asie et la Libye.

XVII. Sans m’arrêter davantage au sentiment des Ioniens, je pense qu’on doit donner le nom d’Égypte à toute l’étendue de pays qui est occupée par les Égyptiens, de même qu’on appelle Cilicie et Assyrie les pays habités par les Ciliciens et les Assyriens ; et je ne connais que l’Égypte qu’on puisse, à juste titre, regarder comme limite de l’Asie et de la Libye ; mais, si nous voulons suivre l’opinion des Grecs, nous regarderons toute l’Égypte qui commence à la petite cataracte et à la ville d’Éléphantine, comme un pays divisé en deux parties comprises sous l’une et l’autre dénomination ; car l’une est de la Libye, et l’autre de l’Asie. Le Nil commence à la cataracte, partage l’Égypte en deux, et se rend à la mer. Jusqu’à la ville de Cercasore il n’a qu’un seul canal ; mais, au-dessous de cette ville, il se sépare en trois branches, qui prennent trois routes différentes : l’une s’appelle la bouche Pélusienne, et va à l’est ; l’autre, la bouche Canopique, et coule à l’ouest ; la troisième va tout droit depuis le haut de l’Égypte jusqu’à la pointe du Delta, qu’elle partage par le milieu, en se rendant à la mer. Ce canal n’est ni le moins considérable par la quantité de ses eaux, ni le moins célèbre : on le nomme le canal Sébennytique. Du canal Sébennytique partent aussi deux autres canaux, qui vont pareillement se décharger dans la mer par deux différentes bouches, la Saïtique et la Mendésienne. La bouche Bolbitine et la Bucolique ne sont point l’ouvrage de la nature, mais des habitants qui les ont creusées.

XVIII. Le sentiment que je viens de développer sur l’étendue de l’Égypte se trouve confirmé par le témoignage de l’oracle de Jupiter Ammon, dont je n’ai eu connaissance qu’après m’être formé cette idée de l’Égypte. Les habitants de Marée et d’Apis, villes frontières du côté de la Libye, ne se croyaient pas Égyptiens, mais Libyens. Ayant pris en aversion les cérémonies religieuses de