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EUTERPE, LIVRE II.

l’Égypte, et ne voulant point s’abstenir de la chair des génisses[1], ils envoyèrent à l’oracle d’Ammon pour lui représenter qu’habitant hors du Delta, et leur langage étant différent de celui des Égyptiens, ils n’avaient rien de commun avec ces peuples, et qu’ils voulaient qu’il leur fût permis de manger de toutes sortes de viandes. Le dieu ne leur permit point de faire ces choses, et leur répondit que tout le pays que couvrait le Nil dans ses débordements appartenait à l’Égypte, et que tous ceux qui, habitant au-dessous de la ville d’Éléphantine, buvaient des eaux de ce fleuve, étaient Égyptiens.

XIX. Or le Nil, dans ses grandes crues, inonde non-seulement le Delta, mais encore des endroits qu’on dit appartenir à la Libye, ainsi que quelques petits cantons de l’Arabie, et se répand de l’un et de l’autre côté l’espace de deux journées de chemin, tantôt plus, tantôt moins.

Quant à la nature de ce fleuve, je n’en ai rien pu apprendre ni des prêtres, ni d’aucune autre personne. J’avais cependant une envie extrême de savoir d’eux pourquoi le Nil commence à grossir au solstice d’été, et continue ainsi durant cent jours ; et par quelle raison, ayant crû ce nombre de jours, il se retire, et baisse au point qu’il demeure petit l’hiver entier, et qu’il reste en cet état jusqu’au retour du solstice d’été.

J’eus donc beau m’informer pourquoi ce fleuve est, de sa nature, le contraire de tous les autres ; je n’en pus rien apprendre d’aucun Égyptien, malgré les questions que je leur fis dans la vue de m’instruire. Ils ne purent me dire pareillement pourquoi le Nil est le seul fleuve qui ne produise point de vent frais.

XX. Cependant il s’est trouvé des gens chez les Grecs qui, pour se faire un nom par leur savoir, ont entrepris d’expliquer le débordement de ce fleuve. Des trois opinions qui les ont partagés, il y en a deux que je ne juge pas même dignes d’être rapportées ; aussi ne ferai-je que les indiquer. Suivant la première, ce sont les vents étésiens qui, repous-

  1. Il paraît par ce passage que les Égyptiens ne mangeaient point de vache. Ce peuple superstitieux s’abstenait pareillement des bœufs, s’ils étaient jumeaux, s’ils étaient tachetés, s’ils avaient déjà travaillé, etc. (L.)