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EUTERPE, LIVRE II.

XXXIV. L’Ister est connu de beaucoup de monde, parce qu’il arrose des pays habités ; mais on ne peut rien assurer des sources du Nil, à cause que la partie de la Libye qu’il traverse est déserte et inhabitée. Quant à son cours, j’ai dit tout ce que j’ai pu en apprendre par les recherches les plus étendues. Il se jette dans l’Égypte ; l’Égypte est presque vis-à-vis de la Cilicie montueuse ; de là à Sinope, sur le Pont-Euxin, il y a, en droite ligne, cinq jours de chemin pour un bon voyageur : or Sinope est située vis-à-vis de l’embouchure de l’Ister. Il me semble par conséquent que le Nil, qui traverse toute la Libye, peut entrer en comparaison avec l’Ister. Mais en voilà assez sur ce fleuve.

XXXV. Je m’étendrai davantage sur ce qui concerne l’Égypte, parce qu’elle renferme plus de merveilles que nul autre pays, et qu’il n’y a point de contrée où l’on voie tant d’ouvrages admirables et au-dessus de toute expression : par ces raisons, je m’étendrai davantage sur ce pays.

Comme les Égyptiens sont nés sous un climat bien différent des autres climats, et que le Nil est d’une nature bien différente du reste des fleuves, aussi leurs usages et leurs lois diffèrent-ils pour la plupart de ceux des autres nations. Chez eux, les femmes vont sur la place, et s’occupent du commerce, tandis que les hommes, renfermés dans leurs maisons, travaillent à de la toile[1]. Les autres nations font la toile en poussant la trame en haut, les Égyptiens en la poussant en bas. En Égypte, les hommes portent les fardeaux sur la tête, et les femmes sur les épaules. Les femmes urinent debout, les hommes accroupis ; quant aux autres besoins naturels, ils se renferment dans leurs maisons ; mais ils mangent dans les rues. Ils apportent pour raison de cette conduite que les choses indécentes, mais nécessaires, doivent se faire en secret, au lieu que celles qui ne sont point indécentes doivent se faire en public. Chez les Égyptiens, les femmes ne peuvent être prêtresses d’aucun dieu ni d’aucune déesse ; le sacerdoce est réservé aux hommes. Si les enfants mâles ne veulent point nourrir

  1. Les hommes étaient, en Égypte, les esclaves des femmes. Diodor. Sicul. lib. i, § xxvii, pag. 31.