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VIE D’HÉRODOTE.

vile ; et loin de chercher à justifier Hérodote, content d’admirer l’écrivain, j’abandonnerais l’homme au juste mépris qu’il mériterait. Mais la réponse me paraît très-facile. 1o S’il n’y avait pas eu deux opinions très-constantes sur la conduite que les Corinthiens avaient tenue à la journée de Salamine, Hérodote se serait exposé en les rapportant au risque d’être démenti par la majeure partie de la Grèce, dont il cherchait à capter la bienveillance, et qui était alors alliée et amie des Corinthiens. 2o Dion Chrysostome vivait plus de cinq siècles après cette bataille, tandis que notre historien était né quatre ans avant qu’elle se donnât. Le premier n’en pouvait connaître les particularités que par l’histoire et les monuments, tandis que l’autre en était instruit non-seulement par les monuments, mais encore par le témoignage d’une infinité de personnes qui s’y étaient trouvées. 3o L’autorité de ces monuments n’est pas si grande dans cette occasion qu’elle l’est dans la plupart des autres ; car Hérodote raconte lui-même que plusieurs peuples, dont on montrait la sépulture à Platée, honteux de ne s’être pas trouvés au combat, avaient érigé des cénotaphes de terres amoncelées, afin de se faire honneur dans la postérité. Les Corinthiens peuvent en avoir fait autant après la journée de Salamine. 4o Les vers que fit Simonide en l’honneur des Corinthiens et d’Adimante, leur général, ne paraîtront jamais une preuve concluante à ceux qui connaîtront la cupidité de ce poëte, et à quel point il prostituait sa plume au plus offrant. 5o Si le fait rapporté par Dion Chrysostome eût été vrai, Plutarque, qui ne laisse échapper aucune occasion de montrer son animosité contre Hérodote, aurait d’autant moins manqué de lui faire à ce sujet les plus cruels reproches, que de son aveu il le détestait, parce que cet historien avait dit de ses compatriotes des vérités qui n’étaient pas à leur avantage. Il prétend, il est vrai, que les Corinthiens se comportèrent vaillamment à la journée de Salamine, et qu’Hérodote a supprimé leurs louanges par malignité. Cependant, loin de les supprimer, il a rapporté ce que les Grecs racontaient de plus flatteur pour ce peuple ; mais, comme il faisait profession d’impartialité, il n’a pas cru devoir passer sous silence ce qu’en disaient aussi les Athéniens. Ce serait ici le lieu de réfuter ce qu’avance Plutarque pour prouver que les Corinthiens se couvrirent de gloire à cette bataille ; mais comme cela me mènerait trop loin, et que vraisemblablement très-peu de lecteurs prendraient intérêt à cette discussion, je crois devoir d’autant moins l’entreprendre que cette digression n’est peut-être déjà que trop longue.

Douze ans après avoir lu une partie de son Histoire aux jeux olympiques, Hérodote en lut une autre à Athènes, à la fête des

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