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VIE D’HÉRODOTE.

dix-neuf ans et quelques mois, sa sensibilité n’aurait rien eu de surprenant, et ne se serait pas fait remarquer. Il faut donc regarder comme constant, avec Dodwell, que cet historien avait alors quinze ans. Le père Corsini, clerc régulier des Écoles pies, est aussi de cet avis dans ses Fastes Attiques, et cite, pour le prouver, Lucien dans le traité sur la Manière d’écrire l’histoire, quoiqu’il n’en soit pas question dans cet ouvrage. Ce savant n’avait pas cependant sur ce fait des idées bien arrêtées, puisque page 213 du même ouvrage, il recule cette lecture jusqu’à la première année de la LXXXIVe olympiade, c’est-à-dire de douze ans, ce qui me fait croire qu’il confond en cette occasion la lecture aux jeux olympiques avec celle que fit le même historien aux Panathénées, quoique cette fête précède la quatre-vingt-quatrième olympiade de plus de quinze jours.

Revenons à notre sujet. Encouragé par les applaudissements qu’il avait reçus, Hérodote employa les douze années suivantes à continuer son Histoire et à la perfectionner. Ce fut alors qu’il voyagea dans toutes les parties de la Grèce, qu’il n’avait fait jusqu’à ce moment que parcourir, qu’il examina avec la plus scrupuleuse attention les archives de ses différents peuples, et qu’il s’assura des principaux traits de leur histoire, ainsi que des généalogies des plus illustres maisons de la Grèce, non-seulement en parcourant leurs archives, mais en lisant leurs inscriptions. Car dans ces anciens temps on transmettait à la postérité les événements les moins intéressants, ainsi que les plus remarquables, par le moyen d’inscriptions gravées sur des monuments durables, ou sur des trépieds qu’on conservait avec le plus grand soin dans les temples. Ces inscriptions contenaient les noms de ceux qui avaient eu part à ces événements, avec ceux de leurs pères et de leurs tribus ; en sorte que plusieurs siècles après il était impossible de s’y méprendre, malgré l’identité des noms qui se remarquaient quelquefois sur ces monuments.

Ce fut dans une de ces excursions qu’il alla à Corinthe, et qu’il y récita, si l’on en croit Dion Chrysostome, la description de la bataille de Salamine avec des circonstances honorables pour les Corinthiens, et surtout pour Adimante qui les commandait. « Mais, continue le sophiste dans le discours qu’il adresse aux Corinthiens, Hérodote vous ayant demandé une récompense, et ne l’ayant pas obtenue, parce que vos ancêtres dédaignaient de mettre la gloire à prix d’argent, il changea les circonstances de cette bataille, et les raconta d’une manière qui vous était défavorable. »

Un fait de cette nature, s’il était prouvé, décèlerait une âme