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EUTERPE, LIVRE II.

de la gauche un arc : le reste de son armure est pareillement égyptien et éthiopien. On a gravé sur la poitrine, d’une épaule à l’autre, une inscription en caractères égyptiens et sacrés, conçue en ces termes : « J’ai conquis ce pays par la force de mon bras. » Sésostris ne dit pas pourtant ici ni qui il est, ni de quel pays il est ; il l’a indiqué ailleurs. Quelques-uns de ceux qui ont examiné cette figure conjecturent qu’elle représente Memnon ; mais ils sont fort éloignés de la vérité.

CVII. Les prêtres me dirent encore que Sésostris, revenant en Égypte, amena avec lui un grand nombre de prisonniers faits sur les nations qu’il avait subjuguées ; qu’étant arrivé à Daphnes de Péluse, son frère[1], à qui il avait confié le gouvernement du royaume, l’ayant invité, lui et ses enfants, à loger chez lui, fit entasser autour de la maison des matières combustibles, auxquelles on mit le feu. Sésostris n’en eut pas plutôt connaissance, qu’il délibéra avec la reine sa femme, qu’il avait menée avec lui, sur le parti qu’il avait à prendre. De six enfants qu’il avait, elle lui conseilla d’en étendre deux sur le bûcher enflammé, et de faire de leurs corps une espèce de pont sur lequel il pourrait passer et se sauver. Sésostris la crut. Ainsi périrent deux de ses enfants ; les autres se sauvèrent avec leur père.

CVIII. Les prêtres ajoutèrent que Sésostris, après s’être vengé de son frère à son retour en Égypte, employa la troupe qu’il avait amenée des pays dont il avait fait la conquête, à traîner jusqu’au temple de Vulcain ces pierres énormes qu’on y voit. Ce furent ces mêmes prisonniers que l’on força de creuser les fossés et les canaux dont l’Égypte est entrecoupée. Avant ces travaux, exécutés malgré eux, l’Égypte était commode pour les chevaux et pour les voitures ; mais, depuis ce temps-là, quoique le pays soit plat et uni, il est devenu impraticable aux uns et aux autres, à cause de la multitude de canaux qu’on y rencontre de toutes parts et en tout sens. Ce prince les fit creuser, parce que, toutes les fois que le fleuve venait à se retirer,

  1. Il s’appelait Armaïs, si l’un peut croire ce que dit Manéthon, qui ajoute que c’est le même prince que les Grecs appelaient Danaüs. (L.)