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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

et un Bosphore appelé Cimmérien. Il paraît certain que les Cimmériens, fuyant les Scythes, se retirèrent en Asie, et qu’ils s’établirent dans la presqu’île où l’on voit maintenant une ville grecque appelée Sinope. Il ne paraît pas moins certain que les Scythes s’égarèrent en les poursuivant, et qu’ils entrèrent en Médie. Les Cimmériens, dans leur fuite, côtoyèrent toujours la mer ; les Scythes, au contraire, avaient le Caucase à leur droite, jusqu’à ce que, s’étant détournés de leur chemin et ayant pris par le milieu des terres, ils pénétrèrent en Médie.

XIII. Cette autre manière de raconter la chose est également reçue des Grecs et des barbares. Mais Aristée de Proconnèse, fils de Caystrobius, écrit dans son poëme épique[1] qu’inspiré par Phébus, il alla jusque chez les Issédons ; qu’au-dessus de ces peuples on trouve les Arimaspes, qui n’ont qu’un œil ; qu’au delà sont les Gryphons, qui gardent l’or ; que plus loin encore demeurent les Hyperboréens, qui s’étendent vers la mer ; que toutes ces nations, excepté les Hyperboréens, font continuellement la guerre à leurs voisins, à commencer par les Arimaspes ; que les Issédons ont été chassés de leur pays par les Arimaspes, les Scythes par les Issédons ; et les Cimmériens, qui habitaient les côtes de la mer au midi, l’ont été par les Scythes. Ainsi Aristée ne s’accorde pas même avec les Scythes sur cette contrée.

XIV. On a vu de quel pays était Aristée, auteur des histoires qu’on vient de lire. Mais je ne dois pas passer sous silence ce que j’ai ouï raconter de lui à Proconnèse et à Cyzique.

Aristée était d’une des meilleures familles de son pays ; on raconte qu’il mourut à Proconnèse, dans la boutique d’un foulon, où il était entré par hasard ; que le foulon, ayant fermé sa boutique, alla sur-le-champ avertir les parents du mort ; que ce bruit s’étant bientôt répandu par toute la ville, un Cyzicénien, qui venait d’Artacé, contesta cette nouvelle, et assura qu’il avait rencontré Aristée

  1. Il a écrit les Arimaspies, poëme épique en trois livres, sur la guerre des Arimaspes avec les Gryphons. Longin en a rapporté six vers, qui sont plus fleuris, au jugement de ce célèbre critique, que grands et sublimes. (L.)