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MELPOMÈNE, LIVRE IV.

de feu, sans faire de libations, et sans aucune autre cérémonie préparatoire. La victime étranglée, le sacrificateur la dépouille, et se dispose à la faire cuire.

LXI. Comme il n’y a point du tout de bois en Scythie, voici comment ils ont imaginé de faire cuire la victime. Quand ils l’ont dépouillée, ils enlèvent toute la chair qui est sur les os, et la mettent dans des chaudières, s’il se trouve qu’ils en aient. Les chaudières de ce pays ressemblent beaucoup aux cratères de Lesbos, excepté qu’elles sont beaucoup plus grandes. On allume dessous du feu avec les os de la victime. Mais, s’ils n’ont point de chaudières, ils mettent toutes les chairs avec de l’eau dans le ventre de l’animal[1], et allument les os dessous. Ces os font un très-bon feu, et le ventre tient aisément les chairs désossées. Ainsi le bœuf se fait cuire lui-même, et les autres victimes se font cuire aussi chacune elle-même. Quand le tout est cuit, le sacrificateur offre les prémices de la chair et des entrailles, en les jetant devant lui. Ils immolent aussi d’autres animaux, et principalement des chevaux.

LXII. Telles sont les espèces d’animaux que les Scythes sacrifient à ces dieux, et tels sont leurs rites. Mais voici ceux qu’ils observent à l’égard du dieu Mars : dans chaque nome on lui élève un temple de la manière suivante, dans un champ destiné aux assemblées de la nation. On entasse des fagots de menu bois, et on en fait une pile de trois stades en longueur et en largeur, et moins en hauteur. Sur cette pile, on pratique une espèce de plate-forme carrée, dont trois côtés sont inaccessibles ; le quatrième va en pente, de manière qu’on puisse y monter. On y entasse tous les ans cent cinquante charretées de menu bois pour relever cette pile, qui s’affaisse par les injures des saisons. Au haut de cette pile, chaque nation scythe plante un vieux cimeterre de fer, qui leur tient lieu de simulacre de Mars[2]. Ils offrent tous les ans à ce cimeterre des sacrifices de

  1. Avant l’invention des chaudières, les peuples barbares se servaient de peaux pour faire cuire les aliments. Les Arabes Bédouins, les Groënlandais et plusieurs peuples de la Tartarie en font encore usage. (Wesseling.)
  2. D’autres peuples barbares honoraient le Dieu de la guerre sous l’emblème d’un cimeterre. Ammien Marcellin dit des Huns : Nec templum apud eos

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