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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

CXIV. Les autres jeunes gens, instruits de cette aventure, apprivoisèrent aussi le reste des Amazones ; et, ayant ensuite réuni les deux camps, ils demeurèrent ensemble, et chacun prit pour femme celle dont il avait eu d’abord les faveurs. Ces jeunes gens ne pouvaient apprendre la langue de leurs compagnes ; mais les Amazones apprirent celle de leurs maris ; et, lorsqu’ils commencèrent à s’entendre, les Scythes leur parlèrent ainsi : « Nous avons des parents, nous avons des biens ; menons une autre vie : réunissons-nous au reste des Scythes, et vivons avec eux. Nous n’aurons jamais d’autres femmes que vous. »

« Nous ne pourrions pas, répondirent les Amazones, demeurer avec les femmes de votre pays. Leurs coutûmes ne ressemblent en rien aux nôtres : nous tirons de l’arc, nous lançons le javelot, nous montons à cheval, et nous n’avons point appris les ouvrages propres à notre sexe. Vos femmes ne font rien de ce que nous venons de dire, et ne s’occupent qu’à des ouvrages de femmes. Elles ne quittent point leurs chariots[1], ne vont point à la chasse, ni même nulle part ailleurs. Nous ne pourrions par conséquent jamais nous accorder ensemble. Mais si vous voulez nous avoir pour femmes, et montrer de la justice, allez trouver vos pères, demandez-leur la partie de leurs biens qui vous appartient ; revenez après l’avoir reçue, et nous vivrons en notre particulier. »

CXV. Les jeunes Scythes, persuadés, firent ce que souhaitaient leurs femmes ; et, lorsqu’ils eurent recueilli la portion de leur patrimoine qui leur revenait, ils les rejoignirent. Alors elles leur parlèrent ainsi : « Après vous avoir privés de vos pères, et après les dégâts que nous avons faits sur vos terres, nous en craindrions les suites s’il nous fallait demeurer dans ce pays ; mais, puisque vous voulez bien nous prendre pour femmes, sortons-en tous d’un commun accord, et allons nous établir au delà du Tanaïs. »

  1. C’est que leurs chariots leur tenaient lieu de maisons. Or tout le monde sait qu’en Grèce les femmes sortent rarement des leurs. Mais j’ai bien peur qu’Hérodote n’ait attribué aux femmes scythes les mœurs des Grecques. (L.)