Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
406
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

avoir immolé toutes sortes d’animaux, on fait un festin auquel les pleurs et les gémissements servent de prélude. On lui donne ensuite la sépulture, soit en le brûlant, soit en le mettant en terre. On élève après cela un tertre[1] sur le lieu de la sépulture, et l’on célèbre des jeux de toute espèce, avec des prix dont les plus considérables sont adjugés aux combats particuliers, à cause de l’estime qu’ils en font.

IX. On ne peut rien dire de certain sur les peuples qui habitent au nord de la Thrace. Mais le pays au delà de l’Ister paraît désert et immense, et n’est occupé, autant que j’ai pu l’apprendre, que par les Sigynnes. Leurs habits ressemblent à ceux des Mèdes. Leurs chevaux sont petits et camus ; leur poil est épais, et long de cinq doigts ; ils n’ont pas assez de force pour porter les hommes ; mais, attelés à un char, ils vont très-vite ; et c’est la raison qui engage ces peuples à faire usage de chariots[2]. Ils sont limitrophes des Vénètes, qui habitent sur les bords de la mer Adriatique, et prétendent être une colonie de Mèdes. Mais je ne puis comprendre comment les Mèdes se sont transplantés en ce pays ; cependant tout est possible avec le temps[3].

X. Les Thraces assurent que les pays au delà de l’Ister sont remplis par des abeilles qui empêchent de pénétrer plus avant. Cela me paraît d’autant moins vraisemblable que cet insecte ne peut supporter un grand froid ; je crois

  1. On élevait, sur le lieu de la sépulture des personnes distinguées, une espèce de tertre ou tumulus. C’est ce que Virgile exprime si bien : Ingens aggeritur tumulto tellus. (L.)
  2. Cette description s’applique parfaitement à ces chevaux couverts d’un poil long et comme laineux que nous avons vus dans les armées russes, et qui sont originaires à peu près des mêmes contrées dont parle ici Hérodote. (Miot.)
  3. « Lorsque les Scythes, dit Diodore, subjuguèrent une partie de l’Asie, ils en firent sortir plusieurs peuplades, entre autres une d’Assyriens, qu’ils transplantèrent dans l’Asie Mineure, et une de Mèdes, qui passa vers le Tanaïs, et qui forma la nation des Sauromates. » Une branche de ces Sauromates s’était-elle étendue avec le temps du côté du Danube, et les Sigynnes en descendaient-ils ? cela paraît vraisemblable. Mais il y aurait à présent de la témérité à vouloir décider sur l’origine d’un peuple qu’ignorait Hérodote, qui était beaucoup plus près que nous de ces temps-là. (L.)