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TERPSICHORE, LIVRE V.

Dobères, les Agrianes, les Odomantes, et les Pæoniens du lac Prasias, ne purent être absolument subjugués. Mégabyse essaya néanmoins de soumettre ceux-ci. Leurs maisons sont ainsi construites : sur des pieux très-élevés, enfoncés dans le lac, on a posé des planches jointes ensemble : un pont étroit est le seul passage qui y conduise[1]. Les habitants plantaient autrefois ces pilotis à frais communs ; mais dans la suite il fut réglé qu’on en apporterait trois du mont Orbelus à chaque femme que l’on épouserait. La pluralité des femmes est permise en ce pays. Ils ont chacun sur ces planches leur cabane avec une trappe[2] bien jointe qui conduit au lac ; et, dans la crainte que leurs enfants ne tombent par cette ouverture, ils les attachent par le pied avec une corde. En place de foin, ils donnent aux chevaux et aux bêtes de somme du poisson[3]. Il est si abondant dans ce lac, qu’en y descendant par la trappe un panier, on le retire peu après rempli de poissons de deux espèces, dont les uns s’appellent papraces[4] et les autres tillons.

XVII. On mena en Asie ceux des Pæoniens qui furent subjugués. Cette expédition achevée, Mégabyse dépêcha

  1. Cette maière de construire les cabanes me rappelle que Tcherkask, capitale des Cosaques du Don ou Tanaïs, est bâtie de la sorte, avec cette différence que les eaux du lac Prasias sont tranquilles, et que le Tanaïs est un fleuve très-rapide ; ce qui rend la construction de ces maisons plus merveilleuse. (L.)
  2. J’imagine que ces portes se levaient et s’abaissaient comme nos ponts-levis. Le catarractès des anciens se levait et s’abaissait aussi, mais en sens contraire. (L.)
  3. Athénée parle d’un certain peuple de Thrace qui nourrissait ses bœufs de poissons. Il l’appelle ceux qui habitent auprès du Mosyne de Thrace. Comme on ne connaît point en Thrace d’endroit de ce nom, je soupçonne que c’est le même peuple dont parle Hérodote, et qu’Athénée donne à leur ville le nom de Mosyne, à cause de leurs maisons de bois. Thorm. Torffæus assure, dans son Histoire de Norwége, que dans les pays froids et maritimes de l’Europe on nourrit le bétail avec du poisson. (Wesseling.)
  4. Je ne crois pas qu’aucune autre auteur ait parlé du paprax. Ce poisson m’est inconnu. Quant au tillon, c’est le même, à ce qu’il paraît, que le poisson qu’Aristote nomme tillon. Il l’associe avec le ballène, autre poisson qui ne m’est pas plus connu. « Le ballène, dit cet habile naturalise, et le tillon sont sujets à un ver qui se forme dans leur corps pendant la canicule : il les affaiblit et les oblige de s’élever sur l’eau ; ce qui les fait périr brûlés par la chaleur. » (L.)

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