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CLIO, LIVRE I.

Il envoya des députés en divers endroits, les uns à Delphes, les autres à Abes en Phocide, les autres à Dodone, quelques-uns à l’oracle d’Amphiaraüs[1], à l’antre de Trophonius, et aux Branchides[2] dans la Milésie : voilà les oracles de Grèce que Crésus fit consulter. Il en dépêcha aussi en Libye, au temple de Jupiter Ammon. Ce prince n’envoya ces députés que pour éprouver ces oracles ; et, au cas qu’ils rendissent des réponses conformes à la vérité, il se proposait de les consulter une seconde fois, pour savoir s’il devait faire la guerre aux Perses.

XLVII. Il donna ordre aux députés qu’il envoyait pour sonder les oracles, de les consulter le centième jour à compter de leur départ de Sardes, de leur demander ce que Crésus, fils d’Alyattes, roi de Lydie, faisait ce jour-là, et de lui rapporter par écrit la réponse de chaque oracle. On ne connaît que la réponse de l’oracle de Delphes, et l’on ignore quelle fut celle des autres oracles. Aussitôt que les Lydiens furent entrés dans le temple pour consulter le dieu, et qu’ils eurent interrogé la Pythie sur ce qui leur avait été prescrit, elle leur répondit ainsi en vers hexamètres : « Je connais le nombre des grains de sable et les bornes de la mer ; je comprends le langage du muet ; j’entends la voix de celui qui ne parle point. Mes sens sont frappés de l’odeur d’une tortue qu’on fait cuire avec de la chair d’agneau dans une chaudière d’airain, dont le couvercle est aussi d’airain. »

XLVIII. Les Lydiens, ayant mis par écrit cette réponse de la Pythie, partirent de Delphes, et revinrent à Sardes.

  1. Amphiaraüs était fils d’Oïclès et arrière-petit-fils de Mélampus. Il ne se doutait pas qu’il fût devin ; mais étant un jour entré à Phliunte, dans une maison derrière la place, et y ayant passé la nuit, il commença aussitôt à être devin. Cette maison resta fermée depuis ce temps-là. On sait qu’il fut trahi par sa femme Ériphile, et qu’étant poursuivi par les Thébains, il fut englouti avec son char, environ à douze stades de la ville d’Orope. (L.)
  2. Le temple des Branchides ou d’Apollon Didyméen était peu éloigné de Milet. Ce nom de Branchides venait d’une famille qui prétendait descendre de Branchus, fondateur vrai ou supposé de ce temple, et qui resta en possession du sacerdoce jusqu’au temps de Xerxès. Ce temple jouissait du droit d’asile. Il déchut de sa grandeur sous Constantin. Ce n’est plus aujourd’hui qu’un amas de ruines. (L.)