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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

reprissent son fils pour le tuer, elle alla le cacher dans une corbeille à blé[1], qui lui parut le lieu le plus sûr, et dont on se douterait le moins ; car elle était persuadée que, s’ils rentraient pour chercher son fils, ils feraient par toute la maison les perquisitions les plus exactes. Cela ne manqua point aussi d’arriver. Ils rentrèrent dans la maison ; et ayant inutilement cherché partout, ils prirent le parti de s’en aller, et de dire à ceux qui les avaient envoyés qu’ils s’étaient acquittés de leur commission. Ce fut, en effet, le langage qu’ils tinrent à leur retour. Lorsque cet enfant fut devenu grand, on lui donna le nom de Cypsélus, pour rappeler le souvenir du danger qu’il avait évité par le moyen d’une corbeille à blé. Étant ensuite parvenu à l’âge viril, il alla consulter le dieu de Delphes, qui lui fit une réponse ambiguë. Plein de confiance en cet oracle, il attaqua Corinthe et s’en empara. Cet oracle était conçu en ces termes :

« Heureux cet homme qui entre dans mon temple, Cypsélus, fils d’Éétion, roi de l’illustre ville de Corinthe, lui, ses enfants, et encore les enfants de ses enfants ! »

» Voici comment Cypsélus se conduisit lorsqu’il fut devenu tyran. Il exila un grand nombre de Corinthiens[2], en dépouilla beaucoup de leurs biens, et en fit mourir encore davantage. Enfin, étant parvenu au port après un règne heureux de trente ans, son fils Périandre lui

  1. Cette corbeille fut conservée dans le temple de Junon à Olympie. Elle était de cèdre, avec des histoires sculptées sur le cèdre en or et en ivoire. On peut en voir la description dans Pausanias, liv. v, chap. xvii et suivants. Il est très-vraisemblable que ce coffre n’était point celui dans lequel on cacha Cypsélus, maus un autre qu’on fit sur le modèle de celui-là, afin de conserver la mémoire d’un événement aussi précieux aux Cypsélides. (L.)
  2. Denys d’Halicarnasse rapporte qu’un certain Corinthien, nommé Démaratus, de la famille des Bacchiades, s’étant adonné au commerce, passa en Italie sur un vaisseau qui lui appartenait, aussi bien que les marchandises… Il amassa de cette manière de grandes richesses ; mais une sédition s’étant élevée à Corinthe, et les Bacchiades ayant été opprimés par la tyrannie de Cypsélus, Démaratus pensa qu’il ne serait pas sûr pour lui de vivre sous un gouvernement tyrannique. Il s’embarque avec tous ses biens, et passa de Corinthe en Étrurie. S’étant marié dans le pays, son fils se rendit à Rome, et devint roi des Romains sous le nom de Tarquin, qu’il prit de Tarquinies, ville d’Étrurie, où il était né. (L.)