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ÉRATO, LIVRE VI.

voya demander, par dérision et pour l’insulter, comment il trouvait une place de magistrat après avoir été roi. Piqué de cette question, Démarate répondit qu’il connaissait par expérience l’un et l’autre état ; mais que Léotychides n’était pas dans le même cas. Qu’au reste cette question serait un jour pour les Lacédémoniens la source de mille maux, ou de biens infinis. Cela dit, il sortit du théâtre en se couvrant le visage, et se retira dans sa maison. Il n’y fut pas plutôt, qu’ils fit les préparatifs d’un sacrifice, et qu’il immola un bœuf à Jupiter. Le sacrifice achevé, il envoya prier sa mère de se rendre auprès de lui.

LXVIII. Lorsqu’elle fut venue, il lui mit entre les mains une partie des entrailles de la victime, et lui tint ce discours d’une manière suppliante : « Je vous conjure, ma mère, et par Jupiter Hercéen[1], et par les autres dieux que je prends à témoin, de me dire sans aucun déguisement qui est mon père ; car Léotychides m’a reproché, dans une querelle, que vous étiez enceinte de votre premier mari lorsque vous passâtes dans la maison d’Ariston. D’autres tiennent des propos encore plus téméraires : ils prétendent que vous vous êtes abandonnée à un muletier qui était à votre service, et que je suis son fils. Je vous conjure donc, au nom des dieux, ma mère, de me dire la vérité. Si vous avez commis quelqu’une des fautes que l’on vous impute, vous n’êtes point la seule, et vous avez beaucoup de compagnes. Il court même un bruit dans Sparte qu’Ariston ne pouvait avoir d’enfants[2], et qu’autrement il en aurait eu de ses premières femmes. »

LXIX. « Mon fils, lui répondit-elle, puisque vous me pressez avec tant d’instances de vous dire la vérité, je vais vous la déclarer sans le moindre déguisement. La troisième nuit après mon mariage avec Ariston, un

    quent plusieurs jours, et les hommes y étaient pareillement admis, et non les enfants seuls. (L.)

  1. Jupiter gardien de l’enceinte de la maison. On regardait comme ayant droit de cité tous ceux qui avaient dans leur maison un autel consacré à Jupiter Hercéen. On peut croire, en effet, que c’est à Jupiter que Démarate offre le sacrifice dans lequel il invoque le témoignage de sa mère. (Miot.)
  2. Il y a dans le grec : Et multus in urbe Sparta sermo est, negantium Aristoni fuisse semen procreando aptum. (L.)