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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

pour servir à la construction des ponts ; d’autres enfin donnèrent des vivres et des vaisseaux pour les transporter. On avait fait aussi des préparatifs environ trois ans d’avance pour le mont Athos, parce que dans la première expédition la flotte des Perses avait essuyé une perte considérable en doublant cette montagne. Il y avait des trirèmes à la rade d’Éléonte dans la Chersonèse. De là partaient des détachements de tous les corps de l’armée, que l’on contraignait à coups de fouet[1] de percer le mont Athos, et qui se succédaient les uns aux autres. Les habitants de cette montagne aidaient aussi à la percer. Bubarès, fils de Mégabyse, et Artachéès, fils d’Artée, tous deux Perses de nation, présidaient à cet ouvrage.

XXII. L’Athos est une montagne vaste, célèbre et peuplée, qui avance dans la mer, et se termine du côté du continent en forme de péninsule, dont l’isthme a environ douze stades. Ce lieu consiste en une plaine avec de petites collines qui vont de la mer des Acanthiens jusqu’à celle de Torone, qui est vis-à-vis. Dans cet isthme, où se termine le mont Athos, est une ville grecque nommée Sané. En deçà de Sané, et dans l’enceinte de cette montagne, on trouve les villes de Dium, d’Olophyxos, d’Acrothoon, de Thyssos et de Cléones. Le roi de Perse entreprit alors de les séparer du continent.

XXIII. Voici comment on perça cette montagne. On aligna au cordeau le terrain près de la ville de Sané, et les barbares se le partagèrent par nations. Lorsque le canal se trouva à une certaine profondeur, ceux qui étaient au fond continuaient à creuser, les autres remettaient la terre à ceux qui étaient sur des échelles. Ceux-ci se la passaient de main en main, jusqu’à ce qu’où fût venu à ceux qui étaient tout au haut du canal ; alors ces derniers la transportaient et la jetaient ailleurs. Les bords du canal s’éboulèrent, excepté dans la partie confiée aux Phéniciens, et donnèrent aux travailleurs une double peine. Cela devait arriver nécessairement, parce que le canal était sans talus,

  1. Telle était la discipline militaire chez les Perses, dont on voit plusieurs autres exemples dans Hérodote et dans Xénophon. Un soldat ainsi traité ne pouvait être sensible à l’honneur. (L.)