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POLYMNIE, LIVRE VII.

et aussi large par haut que par bas. Si les Phéniciens ont fait paraître du talent dans tous leurs ouvrages, ce fut surtout en cette occasion. Pour creuser la partie qui leur était échue, ils donnèrent à l’ouverture une fois plus de largeur que le canal ne devait en avoir, et, à mesure que l’ouvrage avançait, ils allaient toujours en étrécissant, de sorte que le fond se trouva égal à l’ouvrage des autres nations. Il y avait en ce lieu une prairie, dont ils firent leur place publique et leur marché, et où l’on transportait de l’Asie une grande quantité de farine.

XXIV. Xerxès, comme je le pense sur de forts indices, fit percer le mont Athos[1] par orgueil, pour faire montre de sa puissance, et pour en laisser un monument. On aurait pu, sans aucune peine, transporter les vaisseaux d’une mer à l’autre par-dessus l’isthme ; mais il aima mieux faire creuser un canal de communication avec la mer, qui fût assez large pour que deux trirèmes pussent y voguer de front. Les troupes chargées de creuser ce canal avaient aussi ordre de construire des ponts sur le Strymon.

XXV. Ce prince fit préparer pour ces ponts des cordages de lin et d’écorce de byblos, et l’on commanda de sa part aux Phéniciens et aux Égyptiens d’apporter des vivres pour l’armée, afin que les troupes et les bêtes de charge qu’il menait en Grèce ne souffrissent point de la faim. S’étant fait instruire de la situation des pays, il avait ordonné de transporter de toutes les parties de l’Asie des farines sur des vaisseaux de charge et propres à faire la traversée, et de les déposer dans les lieux les plus commodes, partie en un endroit, et partie en d’autres. La plupart de ces farines furent portées sur la côte de Thrace appelée Leucé Acté ; on en envoya à Tyrodyze sur les terres des

  1. Xerxès, s’il faut en croire Plutarque, écrivit au mont Athos une lettre pleine d’extravagance, que voici : « Divin Athos, qui portes ta cime jusqu’au ciel, ne va pas opposer à mes travailleurs de grandes pierres difficiles à travailler, autrement je te ferai couper et précipiter dans la mer. » On commença à creuser le canal un peu au-dessus de Sané, de sorte que cette ville était renfermée elle-même dans l’île, qui, avant les travaux entrepris par les ordres de Xerxès, était une péninsule. Thucydide le dit positivement. (Voyez liv. iv § 109.)