Page:Hérodote - Histoire.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Asiatiques, ils n’ont tenu aucun compte des femmes enlevées dans cette partie du monde ; tandis que les Grecs, pour une femme de Lécédémone, équipèrent une flotte nombreuse, passèrent en Asie, et renversèrent le royaume de Priam. Depuis cette époque, les Perses ont toujours regardé les Grecs comme leurs ennemis : car ils estiment que l’Asie leur appartient ainsi que les nations barbares qui l’habitent, tandis qu’ils considèrent l’Europe et la Grèce comme un continent à part.

V. Telle est la manière dont les Perses rapportent ces événements, et c’est à la prise d’Ilion qu’ils attribuent la cause de la haine qu’ils portent aux Grecs. A l’égard d’Io, les Phéniciens ne sont pas d’accord avec les Perses. Ils disent que ce ne fut pas par un enlèvement, qu’ils la menèrent en Égypte : qu’ayant eu commerce à Argos avec le maitre du navire, quand elle se vit grosse, la crainte de ses parents la détermina à s’embarquer avec les Phéniciens, pour cacher son déshonneur. Tels sont les récits des Perses et des Phéniciens. Pour moi, je ne prétends point décider si les choses se sont passées de cette manière ou d’une autre ; mais, après avoir indiqué celui que je connais pour le premier auteur des injures faites aux Grecs, je poursuivrai mon récit, qui embrassera les petits États comme les grands : car ceux qui florissaient autrefois sont la plupart réduits à rien, et ceux qui florissent de nos jours étaient jadis peu de chose. Persuardé de l’instabilité du bonheur des hommes, je me suis déterminé à parler également des uns et des autres.

VI. Crésus était Lydien de naissance, fils d’Alyatte, et roi des nations que renferme l’Halys dans son cours. Ce fleuve coule du sud, passe entre le pays des Syriens et celui des Paphlagoniens, et se jette au nord dans le Pont-Euxin. Ce prince est le premier Barbare, que je sache, qui ait forcé une partie des Grecs à lui payer tribut, et qui se soit allié avec l’autre. Il subjugua en effet les Ioniens, les Éoliens et les Doriens établis en Asie, et fit alliance avec les Lacédémoniens. Avant son règne, tous les Grecs étaient libres : car l’expédition des Cimmériens contre l’Ionie, antérieure à Crésus, n’alla pas jusqu’à ruiner des villes : ce ne fut qu’une incursion, suivie de pillage.

VII. Voici comment la souveraine puissance, qui appartenait aux Héraclides, passa en la maison des Mermnades, dont était