Page:Hérodote - Histoire.djvu/22

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Crésus. Candaule, que les Grecs appellent Myrsile, fut tyran de Sardes. Il descendait d’Hercule par Alcée, fils de ce héros : car Agron, fils de Ninus, petit-fils de Bélus, arrière-petit-fils d’Alcée, fut le premier des Héraclides qui régna à Sardes ; et Candaule, fils de Myrsus, fut le dernier. Les rois de ce pays antérieurs à Agron descendaient de Lydus, fils d’Atys, qui donna le nom de Lydiens à tous les peuples de cette contrée, qu’on appelait auparavant Méoniens. Enfin les Héraclides, à qui ces princes avaient confié l’administration du gouvernement, et qui tiraient leur origine d’Hercule et d’une esclave de Jardanus, obtinrent la royauté en vertu d’un oracle. Ils régnèrent de père en fils cinq cent cinq ans, pendant vingt-deux générations, jusqu’à Candaule, fils de Myrsus.

VIII. Ce prince était tellement épris de sa femme, qu’il croyait posséder en elle la plus belle de toutes les femmes. Obsédé par sa passion, il ne cessait d’en exagérer la beauté à Gygès, fils de Dascylus, un de ses gardes qu’il aimait beaucoup, et à qui il communiquait ses secrets les plus importants. Peu de temps après, Candaule (il ne pouvait éviter son malheur) tint à Gygès ce discours : « Il me semble que tu ne m’en crois pas sur la beauté de ma femme. Les oreilles sont moins crédules que les yeux : fais donc ton possible pour la voir nue. — Quel langage insensé, seigneur ! s’écria Gygès. Y avez-vous réfléchi ? Ordonner à un esclave de voir nue sa souveraine ! Oubliez- vous qu’une femme dépose sa pudeur avec ses vêtements ? Entre les sages maximes formulées depuis longtemps par les hommes, et que nous devons pratiquer, une des plus importantes est que chacun ne doit regarder que ce qui lui appartient. Je suis persuadé que vous avez la plus belle de toutes les femmes ; mais n’exigez pas de moi, je vous en conjure, une chose malhonnête. »

IX. Ainsi Gygès se refusait à la proposition du roi, craignant qu’il ne lui arrivât malheur. « Rassure—toi, Gygès, lui dit Candaule ; ne crains ni ton roi (ce discours n’est point un piège pour t’éprouver) ni la reine : elle ne te fera aucun mal. Je m’y prendrai de manière qu’elle ne saura pas même que tu l’aies vue. Je te placerai dans la chambre où nous couchons, derrière la porte, qui restera ouverte : la reine ne tardera pas à me suivre. A l’entrée est un siège où elle posera ses vête-