Page:Hérodote - Histoire.djvu/23

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ments, à mesure qu’elle s’en dépouillera. Ainsi, tu auras tout le loisir de la considérer. Lorsque de ce siège elle s’avancera vers le lit, comme elle te tournera le dos, saisis ce moment pour t’esquiver sans qu’elle te voie. »

X. Gygès, ne pouvant se tirer d’affaire, se tint prêt à obéir. Candaule, à l’heure du coucher, le mena dans sa chambre, où la reine ne tarda pas à se rendre. Gygês la regarda se déshabiller, et, tandis qu’elle tournait le dos pour gagner le lit, il se glissa hors de l’appartement; mais la reine l’aperçut en sortant. Elle comprit ce que son mari avait fait ; mais elle dévora l’outrage en silence, et feignit de ne rien savoir, résolue au fond du cœur à se venger de Candaule : car chez les Lydiens, comme chez presque tout le reste des nations barbares, c’est un opprobre, même pour un homme, de paraître nu.

XI. La reine demeura donc tranquille, et sans laisser deviner sa pensée. Mais, dès que le jour parut, elle s’assura des dispositions de ses plus fidèles officiers, et manda Gygès. Bien éloigné de la croire instruite, il se rendit à son ordre, comme il était dans l’habitude de le faire toutes les fois qu’elle le mandait. Lorsqu’il fut arrivé, cette princesse lui dit : « Gygès, voici deux routes dont je te laisse le choix : décide-toi sur de champ. Obtiens par le meurtre de Candaule ma main et le trône de Lydie, ou une prompte mort t’empèchera désormais de voir, par une aveugle déférence pour Candaule, ce qui t’est interdit. Il faut que l’un des deux périsse, ou celui qui t’a donné ce conseil, ou toi qui m’as vue nue, au mépris des convenances. » A ce discours, Gygès demeura quelque temps interdit ; puis il conjura la reine de ne le point réduire à la nécessité d’un tel choix. Voyant qu’il ne pouvait la persuader, et qu’il fallait absolument ou tuer son maître ou se résoudre lui-même à périr il préféra sa propre conservation. « Puisque, dit-il à la reine, tu me forces, malgré ma volonté, à tuer mon maître, apprends-moi comment nous porterons les mains sur lui. « - C’est de l’endroit même où il m’a montrée nue que tu t’élancera sur lui ; et c’est pendant son sommeil que tu l’attaqueras. »

XII. Ces mesures prises, elle retint Gygès : nul moyen pour lui de s’échapper. Il fallait qu’il périt, lui ou Candaule. A l’entrée de la nuit elle l’introduit dans la chambre, l’arme d’un