Page:Hérodote - Histoire.djvu/27

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le héraut, témoin de l’abondance qui régnait à Milet, s’en retourna à Sardes aussitôt qu’il eut communiqué à Thrasybule les ordres qu’il avait reçus du roi de Lydie ; et ce fut là, comme je l’ai appris, la seule cause qui rétablit la paix entre ces deux princes. Alyatte s’était persuadé que la disette était très-grande à Milet ; et que le peuple était réduit à la dernière extrémité. Il fut bien surpris, au retour du héraut, d’apprendre le contraire. Quelque temps après, ces deux princes firent ensemble un traité, dont les conditions furent qu’ils vivraient comme amis et alliés. Au lieu d’un temple, Alyatte en fit bâtir deux à Minerve dans Assésos, et il recouvrà la santé. C’est ainsi que les choses se passèrent dans la guerre qu’Alyatte fit à Thrasybule et aux Milésiens.

XXIII. Ce Périandre, qui donna avis à Thrasybule de la réponse de l’oracle, était fils de Cypsélus ; il régnait à Corinthe. Les habitants de cette ville racontent qu’il arriva de son temps une aventure très-merveilleuse, et les Lesbiens en conviennent aussi. Ils disent qu’Arion de Méthymne, le plus habile joueur de cithare qui fût alors, et le premier, que je sache, qui ait fait et nommé le dithyrambe, et l’ait exécuté à Corinthe, fut porté sur le dos d’un dauphin jusqu’à Ténare.

XXIV. On raconte qu’Arion, après avoir séjourné longtemps à la cour de Périandre, eut envie de naviguer en Sicile et en Italie. Ayant amassé dans ces pays de grands biens, il voulut retourner à Corinthe. Prêt à partir de Tarente, il loua un vaisseau corinthien, parce qu’il se fiait plus à ce peuple qu’à tout autre. Lorsqu’il fut sur le vaisseau, les Corinthiens tramèrent sa perte, et résolurent de le jeter à la mer pour s’emparer de ses richesses. Arion, s’étant aperçu de leur dessein, les leur offrit, les priant de lui laisser la vie. Mais, bien loin d’être touchés de ses prières, ils lui ordonnèrent de se tuer lui-même s’il voulait être enterré, ou de se jeter sur-le-champ dans la mer. Arion, réduit à une si fâcheuse extrémité, les supplia, puisqu’ils avaient résolu sa perte, de lui permettre de se revêtir de ses plus beaux habits et de chanter sur le tillac, et leur promit de se tuer après qu’il aurait chanté. Ils présumèrent qu’ils auraient du plaisir à entendre le plus habile musicien qui existât, et dès lors ils se retirèrent de la poupe au milieu du vaisseau. Arion se para de ses plus riches habits, prit sa