ciers, et surtout parce qu’il a eu assez de grandeur et de force de caractère (magnanimita) pour élever son esprit au-dessus des préjugés de la foule et des illusions des sens et pour édifier un nouveau système du monde. Dans le poème didactique en latin De l’immensité et des mondes innombrables il éclate en un hymne en l’honneur de Copernic. Mais il lui reproche de s’être arrêté trop tôt et de n’avoir pas tiré toutes les conséquences de sa pensée. De là la nécessité d’un commentateur qui imagine tout ce qui se trouve au fond de la découverte de Copernic ; et il s’attribue à lui-même ce mérite. Il a ouvert les yeux à l’infini de l’univers en montrant qu’il ne saurait y avoir de frontières absolues, pas plus qu’il ne peut y avoir de « sphères » fixes séparant les différentes régions du monde les unes des autres, — en montrant qu’il règne dans l’univers entier une loi unique et une force unique : Où que nous nous trouvions, nous ne nous éloignons pas de la divinité qui y agit, pas plus que nous n’avons besoin de la chercher d’une manière générale en dehors de notre propre moi. — Notre tâche sera maintenant de trouver les raisons sur lesquelles Bruno s’appuie pour édifier et continuer le système du monde de Copernic. Elles peuvent se ramener à deux considérations principales, dont l’une relève de la théorie de la connaissance et l’autre de la philosophie de la religion.
La vieille image du monde, avec la terre comme centre et la sphère des étoiles fixes comme extrême limite, ne saurait s’autoriser avec raison du témoignage des sens. Si nous prenons les diverses images sensibles que nous avons en nous déplaçant, nous voyons que l’horizon se modifie à mesure que nous changeons de place. Bien loin de prouver un centre absolu et une borne absolue du monde, la perception des sens, bien expliquée, prouve bien plutôt le contraire : elle démontre la possibilité de regarder comme centre tout endroit, quel qu’il soit, où nous sommes, ou tout endroit où nous pouvons nous placer par la pensée, et la possibilité de changer et d’agrandir à l’infini les limites de notre monde. Et avec ce témoignage de la perception des sens concorde la faculté qu’a notre imagination et notre pensée d’ajouter indéfiniment nombre à nombre, grandeur à grandeur, forme à forme, de même qu’il se fait