Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/134

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différence de la nature » (ou, comme on le nomme de nos jours, le principe d’actualité), impliquant de nouvelles recherches, n’est pas moins fécond que le principe de relativité, dont il dérive, — Bruno voit bien plus clairement la nécessité de confirmer des observations théoriques et subjectives au moyen de l’expérience que les expositions ordinaires le lui attribuent. « Que pourrions-nons penser, demande-t-il, s’il n’y avait toutes les observations déjà existantes ? » Ce n’est point seulement un rêveur enthousiaste d’infini. Il a cherché à démontrer par un travail critique de pensée sur quelles hypothèses dogmatiques reposait le vieux système du monde et quel droit naturel on a de faire d’autres hypothèses. Le devoir de fournir des preuves s’impose, dit-il, en premier lieu à celui qui prétend que l’univers est limité, car l’expérience montre que la limite varie toujours, où que nous allions. Pourquoi l’univers s’arrêterait-il juste à la huitième sphère, comme le pensait encore Copernic ? Pourquoi ne pas croire à une neuvième, à une dixième, etc. ? De ce que notre perception des sens a des limites, nous n’avons pas le droit de conclure que l’univers lui aussi est limité. — Le grand mérite de Bruno, c’est l’énergie qu’il mit à approfondir la nouvelle conception du monde et à en demander la vérification par le détail. Voilà pourquoi sa théorie fut plus qu’une anticipation de génie. La base de la théorie de la connaissance sur laquelle il s’appuie a une importance durable. Malgré cela, on ne saurait contester que la logique passionnée avec laquelle il procède le pousse souvent à s’exprimer avec une certitude plus grande qu’il n’en a rigoureusement le droit. Il n’est pas étonnant que le zèle qui l’entraîne, et qui était nécessaire pour triompher de la résistance, lui fasse dépasser le but.

Par la relativité des déterminations de lieu Bruno avait, ainsi que nous l’avons vu, renversé la vieille théorie des éléments qui en faisait des qualités absolues au moyen de la pesanteur et de la légèreté et plaçait chacun d’eux en ses lieu et place « naturels » dans l’univers. En conséquence la différence entre le monde céleste et le monde sublunaire disparaissait, et avec elle le préjugé qu’il ne pouvait pas se produire de modifications dans le ciel. Mais Bruno prit surtout à cœur de renverser la croyance aux sphères fixes. Il montre la connexion de cette