Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/147

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L’atome est le premier élément constituant dont nous ayions besoin pour expliquer un phénomène sensible ; mais il n’y a pas de raison pour établir qu’il ne possède pas lui-même de parties : que nous n’en ayons point à considérer, cela est tout à fait différent. Bruno emploie la notion même de minimum en parlant de grandes totalités : ainsi le soleil avec tout son système de planètes est un minimum en proportion de l’univers. Il va même jusqu’à nommer l’univers entier une monade. En outre, le minimum n’est pas seulement partie matérielle, il est encore force active, âme et volonté. Le but se trouve en lui à l’état de disposition, ce qui permet de conserver l’unité de la téléologie et du mécanisme. À ce point de vue Bruno distingue aussi entre atomes (ou minima ou monades) de degrés différents : âme universelle et Dieu lui-même portent le nom de monade. Cette définition est nécessaire, car ce qui n’est pas un, n’est pas. Dieu est la monade des monades, c’est-à-dire, qu’il est la substance de toutes les substances particulières. Cela exprime la même chose que ce qui était dit dans les écrits en italien, où Dieu s’appelle l’âme des âmes. Bruno n’a donc pas délaissé la pensée fondamentale de ses phases antérieures, l’idée d’une substance unique qui se fait sentir en toutes choses. Même en voyant dans la nécessité de la notion d’atome une conception exacte de la nature, il se borne à l’appliquer aux phénomènes matériels, et c’est un problème encore irrésolu que le rapport des substances psychiques individuelles avec la substance spirituelle dont elles sont des formes isolées32. À voir son intérêt pour la doctrine antique de la métempsychose, on serait tenté de conclure qu’il admet que les âmes individuelles passent après la mort dans de nouveaux corps. Cependant il n’a pas professé sérieusement cette opinion fantastique. Il s’arrêta à la pensée que la substance spirituelle, ainsi que la substance matérielle, subsiste sous les formes incessamment changeantes, mais que les nouvelles formes ne doivent pas nécessairement être identiques aux formes anciennes. Il attache une grande importance à la tendance que nous avons à continuer de vivre et à poursuivre un développement ininterrompu. Et cette tendance n’est pas déçue, pense-t-il, car ce serait une illusion de