Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/15

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En outre les œuvres de l’antiquité pouvaient servir de modèles pour guider la pensée, en attendant que celle-ci pût acquérir une activité plus indépendante. Une foule de pensées en germe, qui avaient commencé à croître dans l’antiquité, pour être retardées ensuite par l’époque, si rude au libre développement de l’esprit, du Moyen Âge pouvaient dès lors s’épanouir. Après un long et profond sommeil, la pensée cherchait à reprendre l’ouvrage où elle l’avait laissé vers la fin de l’antiquité.

Or c’est encore à sa situation historique que l’Italie doit sa vive intelligence et son assimilation indépendante de la littérature ancienne. Le morcellement en une foule de petits États, qui étaient continuellement le théâtre de luttes politiques, où l’on ne reculait d’ordinaire devant aucun moyen pour acquérir et pour maintenir sa puissance, amena la dissolution de l’ordre social du Moyen Âge. L’homme était estimé au Moyen Âge d’après son union avec l’Église et avec la corporation. L’homme naturel, avec son sentiment purement individuel, n’était pas considéré, on le regardait comme non autorisé. Par contre, les luttes politiques dans les villes d’alentour avaient développé la tendance brutale à faire valoir sa propre personnalité, tendance qui naturellement ne menait que les puissants, favorisés du sort, à des succès féconds. D’autre part, la tyrannie qui pesait sur les États italiens détournait beaucoup d’individus de la vie publique, et le besoin de faire valoir son individualité étant excité, elle avait pour effet de les rejeter sur le développement le plus vaste et le plus libre possible de leur personnalité dans la sphère de la vie privée et dans l’intérêt pour les arts et pour les lettres. C’est le mérite de Burkhardt (dans son ouvrage sur la civilisation de la Renaissance) d’avoir montré que le penchant à l’individualisme et le besoin d’un développement purement personnel devaient naître aux XIVe et XVe siècles en Italie sous l’influence de l’état de choses historique. Ce ne fut donc pas seulement la découverte extérieure de la littérature et de l’art antiques qui détermina la Renaissance en Italie. Cette dernière n’aurait été alors qu’un mouvement purement scientifique, un processus principalement réceptif.

Avant tout, la découverte pratique de la nature humaine