Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/155

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des dieux tout entier. Durant tout changement subsiste seule la vérité, et c’est à sa lumière que la réforme doit se faire. Telles sont les deux idées auxquelles Bruno reste constamment fidèle (ainsi que le vieil Héraclite) : l’oscillation de toutes choses à travers les contraires et l’éternité de la loi universelle durant tout changement. On comprend alors que la vérité et le repentir aient place dans son éthique. Le repentir doit dans le nouvel ordre de choses prendre la place du cygne. Comme le cygne, il émerge des rivières et des marécages et cherche en se lavant à atteindre l’éclatante pureté. Il consiste dans le déplaisir engendré par l’état présent, dans le chagrin de s’y être plu et dans l’aspiration à s’élever des basses régions vers le soleil. Bien que le malentendu soit son père et l’injustice sa mère, il renferme cependant une nature divine ; il est comme la rose qui est cueillie parmi les épines, ou comme l’étincelle éclatante qui jaillit de la sombre pierre à fusil. —

Parmi ceux qui cherchent une place au ciel dans le nouvel ordre de choses, se trouve aussi le loisir (ocio). Il célèbre l’heureuse enfance du genre humain, alors qu’il n’avait pas besoin de travailler, et qu’il était libre de tout souci et de l’inquiétude de l’ambition, alors que non seulement le malheur, mais le vice et le péché n’existaient pas. Zeus réplique à cette glorification de l’âge d’or que l’homme a des mains et une pensée pour s’en servir et que son devoir n’est pas seulement de suivre les inspirations de la nature, mais de se créer à la force de son esprit une seconde nature, un ordre de choses supérieur, sans lesquels il ne saurait sauvegarder sa dignité de dieu de la terre. Dans l’âge d’or, les hommes avec tout leur loisir n’ont pas été plus vertueux que les animaux actuels, ils furent peut-être même plus obtus. La nécessité et la misère ont fait naître l’industrie, acéré la pensée et mené à la découverte de l’art ; ainsi s’épanouirent de jour en jour du fond de l’esprit humain sous la poussée du besoin des découvertes merveilleuses et toujours nouvelles. Par là il s’éloigne de l’animal et se rapproche de l’essence divine. Il est vrai que l’injustice et la méchanceté s’accrurent en même temps. Mais dans l’état animal il n’y a ni vertus, ni vices, car il ne faudrait pas confondre la vertu avec l’absence de vice. La maîtrise de soi ne se trouve que là où il