Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

riser, ou à entraver ses recherches postérieures. Cette idée était l’expression de la conviction qu’il avait, et qu’il n’abandonna jamais, que certaines relations mathématiques de l’univers devaient pouvoir se démontrer, et elle le poussa pour cette raison à faire des investigations sans cesse renouvelées. Mais elle lui causa bien des difficultés à cause de l’hypothèse dont il partait avec l’antiquité et le Moyen Âge tout entiers, que les corps célestes doivent tourner en cercle, car le cercle est la figure la plus parfaite.

Parmi les hommes auxquels Kepler envoya son ouvrage se trouvait Tycho Brahé, qu’il salua du titre de « prince des mathématiciens de son siècle ». Tycho répondit en termes aimables, tout en déclarant que les trente-cinq années d’observations sur lesquelles il s’appuyait ne lui permettaient pas de donner son adhésion aux spéculations de Kepler, malgré toute l’ingéniosité qu’il y trouvait d’ailleurs. Il dirigea spécialement ses objections contre la théorie de Copernic. Les rapports ainsi ébauchés de ces deux hommes firent que Tycho Brahé ayant été s’établir à Prague peu de temps après, Kepler fixa également sa résidence à Prague. À la mort de Tycho Brahé son matériel scientifique, considérable, lui fut abandonné, dont il avait écrit à son professeur Möstlin : « Mon opinion sur Tycho Brahé est qu’il possède des richesses dont, comme tant de riches, il ne tire pas tout le profit convenable. » Ayant ainsi hérité lui-même de ces richesses, il pouvait désormais développer et vérifier ses idées. Se basant sur les observations de Bruno, il découvrit les lois désignées d’après son nom et se sentit poussé — ce qui nous intéresse le plus dans l’ensemble, — à remplacer la conception animiste de la nature qu’il avait professée jusqu’alors par la conception mécanique.

Kepler passa le reste de sa vie à Linz, en butte aux attaques violentes du fanatisme protestant et catholique et accablé par les efforts pénibles qu’il faisait pour se procurer les moyens de faire éditer ses œuvres. Il dut retourner pour une année dans le Wurtemberg sa patrie, afin de sauver du bûcher sa mère accusée de magie. Il mourut en 1630 à Ratisbonne où il était allé pour faire valoir à la diète d’Empire ses droits sur des sommes arriérées. —