Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/177

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L’idée qu’il avait de la signification des rapports quantitatifs dans la nature fit de Kepler l’un des fondateurs de la science exacte de la nature. Il arriva à cette idée par la voie de la théologie, de la psychologie et de la philosophie de la nature. — Nous connaissons déjà la voie théologique. Pour être la belle image de l’essence divine, l’univers fut ordonné selon des rapports quantitatifs déterminés. Kepler avait, ainsi que Copernic, la conviction que la nature agit d’après des règles simples et claires. Aussi la simplicité et l’ordre régulier (simplicitas atque ordinata regularitas) d’une conception de la nature parlent-elles de prime abord à ses yeux en leur faveur. Il s’agit de ramener tout à des principes les moins nombreux et les plus simples possibles. — Le fondement psychologique tient à ce que l’esprit humain démêle le plus distinctement les rapports de quantité ; à vrai dire il est bien fait pour les saisir. Les forces de la nature prennent dans les relations qualitatives des aspects très différents aux yeux des différents sujets (prohabitudine subjecti) ; on ne peut arriver à la certitude pleine et entière qu’en s’en tenant au côté quantitatif ; voilà pourquoi il produit la vérité proprement dite. — Le fondement fourni par la philosophie de la nature se trouve enfin dans la matière même, telle que nous la connaissons par l’expérience : « où est la matière, est aussi la géométrie », (ubi materia, ibi geometria). C’est en effet un fait avéré que le monde participe à la quantité (mundus participat quantitate).

Kepler croyait au début pouvoir répondre par un a priori pur et simple (dans le Mysterium cosmographicum), à la question de savoir quels rapports quantitatifs il y a au fond de l’univers. Il quitta toutefois cette erreur après avoir approfondi les données expérimentales de Tycho Brahé ainsi que ses propres observations. On sait avec quelle infatigable patience il travailla à trouver un rapport concordant absolument avec les observations et que de ce fait il fut porté à remplacer par l’ellipse le cercle idolâtré depuis l’antiquité.

Kepler a exposé clairement dans sa théorie de l’hypothèse sa conception de la nature de l’investigation scientifique. Diverses causes lui firent avancer cette théorie. Tycho Brahé avait repoussé avec raideur l’hypothèse de Copernic, la décla-