À première vue, il paraît étrange de placer Machiavel à côté de Pomponazzi. L’homme d’État florentin semble n’avoir rien à faire avec le scolastique de Bologne. Et cependant les ennemis communs à ces deux penseurs contemporains n’avaient guère tort de dire qu’ils étaient taillés dans le même bois. C’est à la résurrection de la croyance antique à la nature humaine qu’ils visaient tous deux, chacun à sa manière. Et ils avaient tous deux subi fortement l’influence des auteurs de l’antiquité. Pomponazzi cherchait à continuer la psychologie et l’éthique naturalistes d’Aristote ; de même il semble que Machiavel subisse en des points importants l’influence de l’historien grec Polybe, qui fait remonter lui-même à la conception de penseurs grecs antérieurs sur le développement des États. Mais ce furent les propres observations de Machiavel sur les événements du temps, où il était lui-même impliqué, qui firent naître en lui le besoin de revenir à l’antiquité. Nicolo Machiavel naquit en 1469 à Florence de parents appartenant à une vieille et illustre famille qui avait vu des jours meilleurs. De bonne heure, il entra comme diplomate au service du gouvernement républicain de sa ville natale et alla voir, en qualité d’ambassadeur, le pape Jules II, César Borgia, l’empereur Maximilien et le roi Louis XII. Il eut par là amplement occasion de recueillir des observations sur les hommes et sur les événements. Funeste au développement de ses idées fut la circonstance que, juste pendant cette période de l’histoire de l’Italie, c’étaient la ruse et les intrigues, la perfidie et la cruauté qui amenaient les décisions politiques. Dans son Histoire de Florence (introduction au livre V), il fait lui-même cette remarque sur l’histoire de l’Italie au xve siècle, qu’on ne pouvait vanter ni la grandeur, ni la générosité de la vie des princes italiens d’alors ; par contre, l’histoire n’en donnait pas moins matière à observation en offrant le spectacle de si nobles populations domptées par des armes faibles et mal maniées. Machiavel devait, de par son expérience personnelle, aboutir à la conclusion que la prudence et la force sont les seules qualités nécessaires à l’homme d’État. Lui-même ne semble pas être un politique supérieur ; sa grandeur réside dans le monde de la pensée, et non dans celui de l’action. Et cepen-