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Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/225

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l’invitation de Christine il alla à Stockholm pour l’initier personnellement à sa philosophie. Ce séjour « au pays des ours, des glaces et des rochers » (comme il dit dans une lettre) ainsi que la vie de cour fut préjudiciable à sa santé. Un an après son arrivée il contracta une maladie qui entraîna sa mort (1650).

Les traits principaux du caractère de Descartes ressortent nettement de sa vie. L’amour de l’étude et de la réflexion, auquel il fut fidèle toute sa vie et qui, lorsque des idées nouvelles illuminaient son esprit, pouvait parfois s’élever jusqu’à la ferveur et à l’enthousiasme, tel était le plus important et le plus beau trait de sa nature. Une situation favorisée et indépendante lui permit d’exécuter le plan qu’il avait tracé de sa vie et qui visait surtout à conserver pour l’amour de l’étude le calme et l’égalité de l’esprit. Il ne manquait pas de courage, et il le prouva dans ses voyages ; mais il montrait trop de timidité et de déférence envers les autorités. Le trait le plus désagréable de son caractère, c’était son impuissance à reconnaître les mérites d’autrui. Il sentait hautement la nouveauté de sa conception et il protestait énergiquement qu’il n’avait rien appris de ses devanciers. Il prétendait même que les opinions qu’il partageait avec eux, étaient fondées par lui d’une façon toute différente. Il cite Platon, Aristote, Epicure, et parmi les modernes, Telesio, Campanella, Bruno comme les auteurs qu’il connaît, mais dont il n’a rien appris — en dépit de toute concordance — vu que, dit-il, ses principes sont tout autres. Il prétend n’avoir appris quelque chose que de Kepler seul ; la conception mécanique de la nature du savant allemand, et le relief qu’il donne à l’importance de la notion de quantité, ainsi que sa découverte partielle de la loi d’inertie, exercèrent notamment une grande influence sur la physique de Descartes. Mais ce trait tient aussi à sa complète absorption dans sa propre pensée. Ce qui le caractérise surtout comme penseur, c’est la faculté de la distinction nette, la réduction claire à des points de vue simples. Par là il fit œuvre d’importance durable, mit définitivement fin à l’arbitraire et à la fantaisie dans la méthode. S’il commet des fautes en pensant, il est en tout cas facile de voir