Aller au contenu

Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ratio de cette autorité sur sa propre recta ratio et en ce faisant il use de la liberté de pensée et de langage dont il demande la suppression. Il utilise les fruits de la connaissance qu’il a cueillis lui-même pour insister sur la défense de manger des fruits de l’arbre de la connaissance. Il employa la liberté de la presse pendant la domination des Indépendants pour faire paraître la première édition de son Léviathan (1651) et plus tard, sous la Restauration, il eut recours à la liberté de la presse en Hollande pour préparer sa deuxième édition (1670). Cela tient à ce que, comme tant des meilleurs génies du xviie siècle, il unissait en lui la forte conscience personnelle et la liberté de la Renaissance avec sa croyance à l’absolutisme des grandes puissances dirigeantes. Sa doctrine dénote une forte réaction contre la Renaissance et la Réforme. Il fit dériver l’idée séditieuse de la liberté de conscience et du droit de connaissance individuelle sur le terrain moral et politique, soit de l’étude des auteurs romains et grecs (surtout d’Aristote) aux Universités, soit de la lecture et de l’interprétation libre de la Bible provoquées par la Réforme. Il y oppose le Césaropapisme le plus rigoureux : le royaume du Christ ne commence qu’avec son retour au jugement dernier ; d’ici là, Dieu ne parle que par la bouche de ses vice-Dieux, des détenteurs du pouvoir politique. Il prend parti aussi bien contre les catholiques que contre les Anglicans et les Puritains. Si le Pape est le pasteur des fidèles, il est leur véritable souverain et l’État se dissout. Si chaque fidèle en particulier veut participer à la divine sagesse, il s’élève une discussion générale. Si les évêques ont un pouvoir plus grand que celui qui leur est conféré par la nomination royale (les Anglicans croyaient avoir « something more, they know not what, of divine right »), il y a également lutte entre l’Église et l’État — et en même temps une tyrannie cléricale. Le clergé protestant croit que la Papauté est renversée, afin de prendre sa place. Mais qu’aurions-nous gagné alors à être délivrés de la tyrannie du Pape, si ces hommes insignifiants (these petty men) devaient le remplacer ? Surtout que leurs qualités intellectuelles ne sont pas faites pour favoriser le calme de la société (quorum ingenium paci et societati aptum non est) ! Hobbes commence par critiquer la libre investigation