Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/314

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maladie. Son hôtesse de la Haye lui ayant demandé si elle pouvait être sauvée par la religion qu’elle professait, il répondit que sa religion était bonne, qu’elle n’en devait pas chercher d’autre : elle serait sûrement sauvée, si elle menait une vie de piété et de paix. Il sympathisait surtout avec les tendances libérales du protestantisme. Il avait une tout autre idée de l’importance du protestantisme que Bruno, son compagnon par l’esprit ; c’était du reste fort naturel ; il vivait dans le pays le plus libre d’Europe, dans un État où la lutte pour la liberté religieuse se manifestait dans tous les domaines. Un jeune homme qui avait habité la même maison que Spinoza et avait passé au catholicisme, Albert de Burgh, ayant renouvelé la tentative de conversion faite par Steno, Spinoza lui répondit par une lettre où il défendait la légitimité de la libre connaissance et où il déclare reconnaître et aimer l’essence de toute vraie religion. Il ne faut pas oublier que Steno se formalisa surtout de voir Spinoza préconiser la liberté religieuse. Travailler pour la liberté religieuse, c’était pour Steno compromettre le salut de son âme ! La conviction de Spinoza, qu’une vraie foi ne s’impose ni par l’oppression, ni par la violence, et sa délicatesse à ne pas ébranler la foi d’autrui, pourvu qu’elle soit sincère, ne témoignent-elles pas d’un intérêt plus grand et plus vrai pour la personnalité individuelle que celui qui s’exprime par une propagande passionnées58 ?

Après un séjour de plusieurs années à Rhynsburg, Spinoza alla (1663) à Voorburg dans les environs de La Haye, et plus tard (1670) à La Haye même. Ici encore il avait beaucoup d’amis, dont les uns occupaient de hautes situations, comme les frères de Witt. Sa vie était simple, et dans les affaires d’argent il faisait preuve d’un grand désintéressement envers ses parents et ses amis. Sa façon de prendre la vie était caractérisée par une humeur enjouée et joyeuse. « Pourquoi, demande-t-il dans son Éthique, plutôt apaiser la faim et la soif que de chasser la mélancolie ? Je suis convaincu qu’aucune divinité, et d’une façon générale que tout être qui n’est pas envieux, ne peut se réjouir de mon impuissance ou de mon malheur, ou penser que les larmes, les sanglots ou la peur me seront un bien ; au contraire, plus est grande la joie que nous éprouvons, et