Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/316

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publier son œuvre capitale, mais il y renonça, en voyant la grande émotion causée par le seul bruit de la publication. Depuis l’apparition du Traité théologico-politique (1670) il était mal noté, bien qu’il n’y eût pas encore développé son système proprement dit. Le livre défendait la liberté religieuse comme un droit de l’homme ; il montrait en particulier que la divergence des personnalités devait nécessairement entraîner la divergence des croyances. Il contenait en outre un examen exclusivement historique des Saintes Écritures (surtout de l’ancien Testament, reporté pour sa date à une époque postérieure), et une caractéristique psychologique des auteurs. Il distingue nettement la religion, dont le but est pratique, puisqu’elle vise à mener l’esprit des hommes à l’obéissance et à la moralité, de la science, qui a un but purement théorique ; et faisant fond sur cette différence, il adjuge à la science liberté pleine et entière. Il termine par une polémique contre la croyance aux miracles : les lois de la nature sont les lois de l’essence même de Dieu. — Cet ouvrage, qui contenait tant de pensées d’avenir, fut considéré comme le résumé de toute impiété. Les expériences que fit Spinoza en cette occasion l’engagèrent non seulement à garder son Éthique, mais encore à refuser une chaire de professeur à Heidelberg ; il craignait — malgré toutes les promesses qu’on lui fit — de n’avoir pas une liberté d’enseignement suffisante. Une maladie de poitrine héréditaire qui depuis de longues années avait miné sa santé, amena sa mort (21 février 1677). Sur sa mort, ainsi que sur sa vie, étaient répandus des bruits barbares que Colerus, en fidèle ami de la vérité, a réfutés après un examen scrupuleux ; il est à la vérité étonné lui-même de voir qu’un libre penseur puisse mener une aussi belle vie et mourir d’une mort aussi calme ; il trouve scandaleux que le coiffeur de Spinoza, dans une note adressée à la masse mortuaire, appelle son client « le bienheureux Spinoza ! » —

Dans le développement de la personnalité de Spinoza nous voyons donc poindre de divers côtés les divers éléments de son système. Notre tâche sera donc d’examiner au moyen de l’analyse du système définitif comment il a combiné ces éléments et dans quelle mesure cette combinaison lui a vraiment réussi.