Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/318

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connaissance rationnelle considère dans les phénomènes empiriquement donnés leur lien de continuité interne, et en celui-ci elle trouve l’explication de tout phénomène particulier. La connaissance rationnelle (ratio) part de ce qui est donné. Spinoza insiste sur la nécessité « de dériver toujours nos idées d’êtres réels, en suivant, autant que possible, l’ordre des causes ». Il faut donc d’abord procéder à un exposé de faits dont on dérivera ensuite les idées fondamentales et les principes. Dans son Traité théologico-politique, Spinoza établit une analogie entre l’interprétation d’un livre (la Bible) et l’explication de la nature. Il faut commencer par montrer ce qu’est le contenu donné. Ensuite il faut s’assurer de certains rapports et de certaines lois générales, valables en tous les points. Dans la nature physique, ce sont les lois du mouvement ; en ce qui concerne la nature intellectuelle, ce sont les lois de l’association des idées que Spinoza pourrait d’abord nommer. En un mot : l’idée du système de lois qui règnent en toutes choses se manifeste dans les phénomènes changeants particuliers et elle seule nous explique chacun d’eux. Dans ce système de lois se manifeste pour Spinoza l’essence vraie et éternelle des choses. Ce n’est pas précisément pour plus de clarté qu’il nomme les lois générales des phénomènes « les choses fixes et éternelles, dont les choses individuelles, variables, dépendent d’une façon si immédiate et si nécessaire que sans elles, celles-ci ne pourraient ni exister ni se comprendre ». Ces lois se manifestent complètement dans la nature aussi bien dans son ensemble, que dans ses parties isolées. Il faut remonter à elles si l’on veut parvenir au terme de la connaissance. La succession des phénomènes est infinie, inépuisable ; ici nous pouvons poursuivre notre route, aller de chaînon en chaînon. Mais la vraie connaissance porte sur l’enchaînement des termes, qui est par conséquent partout présent. Et de même que Spinoza distingue nettement l’ordre causal consistant dans « les choses fixes et éternelles » qui ne font qu’un avec les lois des phénomènes, de l’ordre de phénomènes qui ont nom aussi causes et effets dans leurs rapports réciproques, de même il ne distingue pas moins nettement les lois générales, qui sont pour lui une réalité (entia realia) aussi bien que les phénomènes particuliers, des idées générales