Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/324

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tances différentes : elles doivent être conçues comme des propriétés différentes ou attributs d’une seule et même substance. De même, nous n’avons pas davantage le droit de croire à une diversité de substances, de ce que l’expérience nous montre une diversité de choses finies ou de phénomènes séparés dans le temps ou dans l’espace. L’existence des choses finies ou des phénomènes est absolument conditionnelle, et l’existence vraie (substantialité) ne peut être attribuée qu’à l’ordre général des choses, à l’être qui comprend tout, et qui renferme toutes choses.

β. Pour Spinoza, l’idée de Dieu et l’idée de nature sont identiques au concept de substance. Son concept de substance remonte au Cartésianisme et à la Scolastique, son idée de la nature à Bruno et à la Renaissance, et son idée de Dieu aux idées religieuses qui furent les premières à mettre sa pensée en mouvement. En tant qu’être infini, qui se manifeste sous une infinité d’attributs, la substance s’appelle Dieu. Tout ce qui est dit de la substance doit donc aussi s’appliquer à Dieu, en sorte que tout ce qui est, est en Dieu et ne peut, sans Dieu, ni exister ni être compris. La matière (étendue), comme l’esprit (pensée), sont par conséquent des attributs divins, ne désignent aucun être en dehors de Dieu, et les choses individuelles ou phénomènes (modi) n’existent pas davantage en dehors de Dieu. De même que Dieu n’a rien en dehors de lui, de même il ne se trouve pas de différences ou d’antinomies dans l’essence de Dieu ; ici il n’y a pas de différence entre possibilité et réalité, pas de différence temporelle. Tout ce qui découle de l’essence de Dieu, en découle avec une nécessité éternelle ; la liberté de Dieu consiste précisément dans cette nécessité déterminée par son essence. Si on appelle Dieu cause des choses, il faut bien considérer que cause et effet ne sont pas ici deux choses différentes, mais que l’effet est une révélation de l’essence de la cause. L’œuvre de Dieu n’est pas différente de son auteur ainsi que l’œuvre d’un maître humain. Dieu est la cause des choses dans le même sens qu’il est sa propre cause ; il est cause immanente, mais non transcendante ; son œuvre reste en lui et lui dans son œuvre ; il ne peut dépasser l’étendue de son essence. Sans doute il faut distin-