Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/333

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doit subir un changement tel, qu’il ne reste plus de commun aux deux acceptions que le mot, à peu près comme on emploie le mot « chien » en parlant soit de l’astre du chien (Sirius) soit de l’animal terrestre aboyant. Le besoin de transporter des propriétés humaines à Dieu n’est donc pas objectivement légitime. Si les triangles pouvaient penser, ils concevraient un Dieu triangulaire ; si les cercles pouvaient penser, ils concevraient un Dieu circulaire.

Mais d’autre part Spinoza reconnaît que le spirituel est un côté indépendant de l’existence. Dieu est substantia cogitans aussi bien que substantia extensa ; cogitatio (pensée, esprit) est un des attributs de Dieu, exprime ainsi l’essence de Dieu ! L’intelligence et la volonté appartiennent à la nature naturée seulement, et non à la nature naturante ; mais dans celle-ci il doit y avoir une raison qui leur permette de naître, et si « l’intelligence infinie » ou la « pensée de Dieu » subsiste éternellement pendant la succession de tous les phénomènes intellectuels, cela doit avoir sa raison dans l’essence de la divinité. On pourrait peut-être exprimer ainsi la conception de Spinoza : Dieu est esprit, mais n’est pas personnalité, parce qu’un être borné seul peut être une personnalité. (Spinoza emploie l’expression de personnalité en un seul passage, mais il la déclare confuse.) Il faut néanmoins tenir compte de ce qu’en déclarant la cogitatio attribut divin et (ainsi qu’on en fera mention plus bas) en parlant de l’amour infini de Dieu pour lui-même (dont l’amour des hommes pour Dieu n’est qu’une partie), Spinoza procède à une sublimation des qualités psychologiques qu’il nie en d’autres points. Contre la cogitatio attribut divin on peut élever les mêmes objections que celles que Spinoza fait lui-même à la conception ordinaire. — Si l’on tient absolument à placer un système philosophique dans une terminaison en « isme » quelconque, on sera embarrassé avec Spinoza, surtout que tout théisme pensant doit procéder à des sublimations de la même espèce que celle de Spinoza.

e) Philosophie de la nature et psychologie.

En posant l’étendue comme un des attributs de l’existence et en demandant (par suite de la définition même de l’attribut)