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Une reconnaissance aussi résolue de l’indépendance de l’éthique est chose remarquable dans la bouche d’un ecclésiastique catholique. C’est une énigme psychologique, que de savoir comment Charron, qui, peu de temps avant, s’était présenté en ardent prédicateur catholique fut amené à cette concession. En tous cas, elle témoigne de la forte tendance en ce sens qui se faisait sentir à cette époque.

5. — Louis Vives

Le grand intérêt que l’ère de la Renaissance avait pour les choses humaines devait nécessairement porter à l’ardente étude psychologique des faits de conscience. Chez tous les penseurs nommés jusqu’ici, l’observation et l’intérêt psychologiques occupent une place prépondérante, sans toutefois que les recherches psychologiques apparaissent comme une aspiration spéciale, en dehors des conséquences philosophiques qu’on en tirait. Mais à cette époque on se livrait aussi à une étude purement théorique de la psychologie. Et s’il faut nommer un seul représentant de la pure psychologie d’alors, ce sera l’Espagnol Louis Vives. C’était un savant modeste, un ardent humaniste, ami et collaborateur d’Érasme de Rotterdam, mais dont l’importance principale réside dans le domaine de la psychologie et de la pédagogie. Il naquit en 1492 à Valence, étudia à Paris, pour demeurer ensuite à Bruges jusqu’à sa mort (1540). Il instruisit pendant un certain temps la fille du roi d’Angleterre Henri VIII, mais le procès en séparation amena sa rupture avec la Cour d’Angleterre. Vives était un sévère catholique ; sa façon de voir paisible, droite et douce, le porta cependant à adresser au pape Adrien VI (1522) une lettre sincère, où il exprimait le vœu qu’un concile œcuménique voulût bien distinguer ce qui est nécessaire à la piété et à la morale de ce qui peut être laissé au libre examen, et guérir ainsi la scission de l’Église. Plus tard il se fit aussi l’interprète de la tolérance, et d’une conception indulgente et libre du christianisme. Comme pédagogue, il a une importance extraordinaire pour son siècle. Beaucoup des bonnes idées pédagogiques, mises plus tard en pratique par les Jésuites,