Erotemata dialectices). Cependant la lumière naturelle a été obscurcie par la chute ; aussi a-t-il été besoin d’en révéler le fond moral essentiel sur le Mont Sinaï au moyen des dix commandements. C’était une opinion partagée par tous les réformateurs que les dix commandements et la loi morale naturelle révélaient le même fond. Elle se trouve aussi bien chez Luther que chez Calvin et remonte jusqu’aux premiers temps du Moyen Âge. Cette doctrine, renouvelée par Melanchthon, établit que l’on peut, au moyen de raisons claires, aboutir au même résultat que la révélation de l’Ancien Testament. Melanchthon donnait ainsi à la loi naturelle, qui signifie pour lui aussi bien la loi morale que le principe suprême de tous les rapports juridiques, un fondement indépendant, naturel et rationnel. Néanmoins de ses hypothèses théologiques, il découlait que la conduite éthique de la vie possible sur cette base, ne pouvait s’étendre qu’à la vie extérieure et civile, mais non aux mouvements les plus intimes de l’âme. Il définit la philosophie morale : « la connaissance des commandements relatifs à toutes les actions morales (honestis actionibus), qui d’après la raison sont conformes à la nature humaine et nécessaires à la vie sociale ; on devra donc autant que possible chercher l’origine de ces commandements par la voie scientifique. » Le fond de la vie de l’âme, d’après la conception du réformateur, n’était donc pas « conforme à la nature humaine » ; il fallait au préalable qu’une influence surnaturelle vînt lui donner l’impulsion. Il croit sans doute (Philosophiæ moralis epitome) à la possibilité pour la philosophie d’enseigner qu’il n’y a qu’un Dieu, qu’on doit l’adorer et que la volonté divine établit la grande distinction du bien et du mal. Les trois premiers commandements appartiennent à la philosophie morale au même titre que les sept derniers. Cependant le commerce véritable, intime avec Dieu, « où nous avons immédiatement affaire à Dieu », sort du cadre de la philosophie. Ici se révèle le contre-sens qu’il y a à faire coïncider le fond du décalogue avec le fond de la loi naturelle. Car il n’était guère dans la pensée de Melanchthon de contester à la religiosité de l’Ancien Testament un commerce immédiat et intime avec Dieu. Et d’autre part, cette coïncidence avec le préjugé théologique avait pour effet
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