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Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/46

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d’empêcher de penser le fond de l’homme autrement que sous une forme religieuse. Pour Melanchthon était humain seulement ce qui était purement civil. Nous retrouvons ainsi, même chez cet humaniste, le contraste entre l’intérieur et l’extérieur. Toutefois, la concession qu’il fit à la vie humaine de se régler dans ses relations extérieures sur des lois rationnelles pouvant être fondées, avait une grande importance. Désormais, la vie sociale, toute la vie politique pouvaient se développer librement, en se conformant à leurs propres principes purement humains.

Cette indépendance fut développée avec plus de précision encore dans l’École de Melanchthon que par le maître lui-même. Le théologien danois Niels Hemmingsen, que l’on nomme le « précepteur du Danemark », de même que l’on appelle Melanchthon par qui il fut instruit, le « précepteur de l’Allemagne », demandait dans son ouvrage De lege naturæ apodictica methodus (1562) un développement rigoureusement scientifique du droit naturel. Ainsi qu’il le déclare à la fin de l’ouvrage, il s’abstint à dessein de toute discussion théologique, afin de permettre à la lumière de se faire « sur la portée que peut avoir la raison sans le secours de la parole prophétique et apostolique ». Il prétend acquérir une connaissance claire et distincte de la nature du droit au moyen de l’analyse. N’est vraie loi que celle qui non seulement s’appuie sur l’autorité du prince et des magistrats, mais qui a un « fondement solide et nécessaire », et cette base, on ne doit la chercher nulle part ailleurs que dans la nature et dans la fin de la loi. Les germes de la morale et de la justice sont donnés dans la nature humaine, ainsi que la faculté de discerner le juste de l’injuste. Pour obtenir une loi au vrai sens du mot, on devra user de ces moyens. Hemmingsen démontre ensuite qu’il y a dans la nature humaine un élément sensible et un élément raisonnable, et que l’appétit animal éveillé par la perception des sens doit obéir à la raison, en qui réside la vraie loi humaine de nature (lex naturæ seu recta ratio). Le but de la vie humaine, c’est la connaissance du vrai et la pratique du bien. Au-dessus de la vie de famille et de la vie politique s’élève la vie spirituelle (vita spiritualis, en opposition avec la vita oeconomica et politica), et qui consiste dans l’adoration de Dieu, but suprême. Ici les facultés naturelles ne