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Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/522

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possède sur lui-même au peuple considéré comme collectivité. La souveraineté du peuple est absolue et inaliénable. Rousseau transporte la notion absolutiste de souveraineté de Hobbes au peuple conçu comme collectivité. Il s’accorde à dire avec Hobbes que la souveraineté ne peut résider qu’en un seul point, mais au lieu d’admettre avec Hobbes que le contrat social implique une soumission immédiate à l’autorité gouvernementale, il proclame, comme Althusius, auquel ses expressions font songer93, le principe de la souveraineté du peuple et admet que la « volonté générale » englobe la volonté de tous les individus. Il distingue, ainsi qu’Althusius, entre forme d’État et forme de gouvernement, et il n’établit qu’une seule forme d’État, mais plusieurs formes de gouvernement. La meilleure forme de gouvernement est une aristocratie élective. Il rejette toutefois la séparation des pouvoirs et conteste que la souveraineté puisse être exercée par des représentants. Le pouvoir suprême réside et demeure dans le peuple, qui doit être assemblé de temps en temps pour donner des lois. Dès que le peuple est assemblé, tout pouvoir gouvernemental cesse ; toute autorité est alors suspendue. Le pouvoir législatif — en tant qu’identique au peuple lui-même — est souverain ; le pouvoir exécutif est son auxiliaire. Le pouvoir législatif est le cœur, le pouvoir exécutif est le cerveau : le cerveau peut s’atrophier, et l’homme continuer à vivre, si le cœur est intact.

La condition pour que la souveraineté du peuple s’exerce, c’est d’après Rousseau que le peuple entier puisse être assemblé. Voilà pourquoi l’État ne peut être grand ; l’idéal de Rousseau, c’étaient — sans parler de Genève, sa propre patrie — les petits États de l’antiquité. La seule forme qui permette à la souveraineté du peuple de subsister dans un grand État, c’est la constitution fédérale. Rousseau avait composé un mémoire sur ce genre de constitution ; il remit ce mémoire à un de ses amis, qui le détruisit au commencement de la Révolution, afin qu’il ne fit pas de mal ! C’était, ainsi que Rousseau fait observer, un sujet entièrement nouveau, dont les principes étaient encore à poser. Ce sujet fut traité peu de temps avant la Révolution française par Alexandre Hamilton, l’auteur de