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Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/524

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que cette égalité est seulement apparente ; il avoue que l’état social n’est effectivement utile aux hommes que si tous possèdent quelque chose et que si personne ne possède trop. Il est hors de doute que par ces mots Rousseau veut montrer que son nouvel exposé peut se concilier avec le premier. Du reste il a raison de dire que la loi et le droit peuvent aussi bien servir à sanctionner la situation d’inégalité actuelle, qu’à la faire disparaître. Dans le Discours il s’en tient à la première face de la question, qui d’ailleurs était la plus évidente dans l’ancienne société ; dans le Contrat social, qui a la prétention de peindre un idéal, et qui, pour cette raison, fait abstraction des faits réels95, il aborde la deuxième face de la question et recommande ce qu’il faut faire : le cours même des choses (et cela déjà dans l’état de nature, comme le montrait le Discours), ayant toujours une tendance à abolir l’égalité, — ainsi qu’on lit dans le Contrat social (II, 11) — le pouvoir législatif doit toujours s’efforcer de maintenir cette égalité, doit veiller à ce que personne ne devienne assez riche pour en acheter un autre, et à ce que personne ne devienne assez pauvre pour se vendre. Les temps suivants ont montré que cette observation n’a rien de fantastique : on reconnaît de plus en plus que la suppression des inégalités sociales est un devoir essentiel du pouvoir civil. Rousseau n’était pas socialiste, mais il voyait clairement l’influence des inégalités sociales et les inconvénients résultant du système de la propriété privée. Il dépasse dans une bien plus grande mesure que les doctrinaires précédents du droit naturel les principes formels de la politique, et sous toutes les questions de constitution il trouva le problème social. Il n’y a qu’une seule chose à laquelle il soit resté fermé, comme tous ses contemporains : l’importance des libres associations. L’État une fois formé, il doit tout régler. Rousseau se combat ici lui-même. Dans L’Émile, il insiste justement sur le développement individuel, sur l’épanouissement du caractère naturel particulier à chaque individu : mais comment ce développement est-il possible sous la tyrannie de la « volonté générale » ?

Nous n’avons pas à nous étonner que Rousseau n’ait pas aperçu le grand problème contenu ici : il vivait au milieu de