Page:Haag - Le Livre d’un inconnu, 1879.djvu/95

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Au ciel, ainsi qu’un rouge et sanglant étendard,
Un nuage empourpré planera sur nos têtes ;
Et le calme attristé des campagnes muettes
Et dans les bois déserts le silence des nids,
Nous diront que les jours d’été sont bien finis,
Que loin, bien loin de nous est la saison des roses,
Et que demain l’hiver et ses brumes moroses
Auront enveloppé de leur morne linceul
Ces bois que le sanglot du vent troublera seul.

Nous songerons alors que tout meurt et tout passe,
Comme au courant des eaux une ride s’efface,
Comme un nuage au ciel par le vent emporté ;
Et nous éprouverons l’amère volupté
De sentir que nos cœurs auront changé de même,
Qu’à notre insu ces mots, ces tendres mots : Je t’aime !
Nous ne les dirons plus avec le même accent,
Car l’herbe du chemin que l’on foule en passant
Et le buisson qu’on frôle, et la branche qu’on cueille,
Et la fleur que, distrait ou rêveur, on effeuille,
Tout emporte avec soi quelque chose de nous ;
Et tandis qu’à travers les ronces et les houx,
Dans la haute forêt tremblante des fougères,
Le couchant grandira nos ombres passagères,