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Page:Haeckel - Religion et Évolution, trad. Bos, 1907.djvu/34

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gestives que j’aie jamais entendues — m’avaient à ce point passionné, que je sollicitai et obtins du maître la permission d’étudier de plus près et de dessiner les squelettes et autres préparations qui se trouvaient dans son grand musée d’anatomie comparée (situé alors dans l’aile droite des bâtiments de l’Université de Berlin). Müller (alors âgé de cinquante-quatre ans), avait l’habitude de passer l’après-midi du dimanche seul dans son muséum ; il allait et venait pendant des heures, dans les vastes salles, les bras croisés derrière le dos, plongé dans des considérations relatives à la parenté mystérieuse des vertébrés, à cette « sainte énigme » que prêchaient si impérieusement les squelettes rapprochés les uns des autres. De temps en temps, cependant, le grand maître se tournait de côté, vers la petite table à laquelle était assis dans un coin de fenêtre l’étudiant de vingt ans, en train de dessiner consciencieusement des crânes de mammifères, de reptiles, d’amphibies et de poissons.

Je me risquais alors à lui demander l’explication de relations anatomiques particulièrement compliquées et je hasardai un jour timidement, cette question : « Est-ce que tous ces vertébrés, dont le squelette interne est le même en dépit des différences extérieures, ne proviendraient pas, originellement, d’une même forme ancestrale ? » Le maître secoua, d’un air songeur, sa tête pleine de pensées et me répondit : « Voilà, si nous savions cela ! Si vous pouviez un jour résoudre cette énigme, vous auriez alors atteint le but suprême ! » Quelques mois plus tard, en septembre 1854, j’eus la faveur d’accompagner Müller à Helgoland et j’appris à