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Page:Haeckel - Religion et Évolution, trad. Bos, 1907.djvu/40

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théorie régnante de la constance des espèces, le dogme de la stabilité des diverses espèces et de leur création indépendante, étaient menacés d’une manière bien plus redoutable par la théorie de la descendance, de Darwin que par le transformisme de Lamarck ; celui-ci, cinquante ans plus tôt, avait soutenu, pour l’essentiel la même thèse, mais faute d’arguments convaincants, il n’avait eu alors aucun succès. De nombreux naturalistes, et de très distingués parmi eux, se firent les adversaires de Darwin, soit parce qu’ils ne possédaient pas une vue d’ensemble suffisante de la biologie, soit parce que les spéculations hardies du novateur semblaient s’écarter beaucoup trop de la base incontestée de l’expérience.

Lorsque parut, en 1859, l’œuvre capitale de Darwin qui, comme un éclair, illumina le camp de la biologie classique, plongé dans les ténèbres, je me trouvais en Sicile, où j’étais parti pour un an faire un voyage de recherches, car je me livrais alors à une étude approfondie des radiolaires, extraordinaires et charmants animaux microscopiques, qui par la beauté et la diversité de leurs formes l’emportent sur tous les autres représentants des règnes animal et végétal. L’étude spéciale de cette merveilleuse classe d’animaux, dont je décrivis plus tard au delà de quatre mille espèces, et qui me coûta plus de dix ans de recherches, me fournit un des fondements les plus solides de ma conception darwiniste de la nature. Cependant, lorsqu’au printemps de 1860, je revins de Messine à Berlin, je ne savais encore rien de l’œuvre de Darwin ; j’appris seulement, par mes amis de Berlin, qu’un livre extraordinaire, dû à un anglais un