LE PÈRE MATHIEU, violoneux | MM. | DARCIER |
PIERRE, sabotier | BERTHELIER. | |
REINETTE, filleule du père Mathieu | Mlle | SCHNEIDER. |
La scène se passe en Bretagne, de nos jours.
Une place de village. — À gauche, au premier plan, un banc de gazon.
Scène I.
Il entre en marquant le pas. Le n°1, son numéro de conscription, se détache en relief sur son chapeau.
- Conscrit !… conscrit !
- Guignon maudit !
- L’sort me poursuit
- J’en perds l’esprit
- Et l’appétit.
- Je suis conscrit.
- Il m’sembl’déjà que la bataille
- Autour d’mes jamb’s a commencé…
- Zin, zin, boum, boum !… C’est la mitraille !
- Mon doux patron ! me v’là blessé !
- Je veux courir, mais j’t’en souhaite,
- Je suis moulu,
- Je suis rompu,
- On m’poursuit à la baïonnette,
- Sur le rempart, j’fais sentinelle ;
- De peur, de froid, je suis transi.
- On vient… Qui va là ?… sans chandelle.
- Comment savoir si c’est l’enn’mi ?
- Je tire en l’air, mais j’t’en souhaite,
- Il fait si noir…
- Pierre, bonsoir !…
- En deux temps mon affaire est faite.
(Il jette son chapeau par terre.)
Scène II.
Enfin !… j’vous trouve, monsieur Pierre ; v’là deux heures que j’cours après vous pour vous consoler. Ouf !
Vous êtes fatiguée ?
Dame ! tout le monde n’a pas l’jarret aussi bien planté que vous.
Voyons voir.
Eh ben !… eh ben !… qu’est c’qui vous prend ? (Ramassant son chapeau.) T’nez, mauvaise tête.
Merci, mam’zelle Reinette. (Lui montrant son numéro.) Le v’là, le gredin ! Comm’il se fiche de moi… (Le déchirant avec ses dents et le jetant par terre.) Tiens, tiens, tiens !
Mais pourquoi vous tourmenter, puisque vot’oncle doit vous acheter un remplaçant ?
Oui, comptez là-dessus. Je r’viens d’chez lui. Je lui ai dit comm’çà, pour l’tâter : Mon oncle, j’suis conscrit… et amoureux. L’gou-